A Montpellier, Mathilde Monnier dirige certes un des plus beaux centres chorégraphiques de France, mais la condition faite aux danseurs, leur précarité, la met hors d'elle. Elle tente d'y remédier à partir du " lieu de là ", c'est-à-dire de son centre, dont la force réside avant tout dans son équipe de danseurs. Avec Joël Luecht, totalement indispensable, mais aussi Dimitri Chamblas, Bertrand Davy, Hermann Diephuis, dont les allers-retours vers d'autres horizons nourrissent la compagnie. Avec les Africains Seydou Boro, Salia Sanon, intégrés en 1995 à la compagnie après l'aventure d' Antigone au Burkina Faso. La recherche que la chorégraphe a menée auprès des autistes à l'hôpital de La Colombrière est relayée par de jeunes chorégraphes de la région, Ana Lopez, Ludovic Forest, Patrick Barthès, Rita Scioffi, Germana Civera. La danse doit désenclaver la danse. Mathilde Monnier va plus loin : " La danse doit trouver d'autres lieux de travail. Elle doit entrer dans l'éducation nationale, mais aussi au ministère de la santé, et continuer son avancée sur le terrain du social. Ce n'est plus supportable qu'il n'y ait pas de danseurs dans les écoles, dans les lycées, les universités. La danse doit, comme aux Etats-Unis, être enseignée dans chaque université. Mais il y a aussi d'autres lieux à créer. Il faut élargir la base de la danse afin que des métiers nouveaux, issus de la danse, voient le jour. " Que pense-t-elle du Théâtre de Chaillot qui serait consacré à la danse ? " Depuis vingt ans, les gens de théâtre ne nous ont jamais ouvert leurs lieux. Pourquoi le feraient-ils maintenant ? Partager Chaillot entre la danse et le théâtre est extrêmement dommageable. Il s'agit évidemment d'un compromis. On attend toujours qu'un chorégraphe dirige une scène nationale, et pas seulement Chaillot. Il est temps de dire toutes ces choses bien haut ! " Deux mots gouvernent à Montpellier : échange et dette. La chorégraphe a commencé un travail sur la notion de potlatch - qu'est-ce que l'on reçoit, qu'est-ce l'on donne - qui réunirait Susan Buirge, Maguy Marin, Bernardo Montet, François Verret, mais aussi des plasticiens et des ethnologues.

Dominique FRETARD
Le Monde
8 Juillet 1999