Mathilde Monnier en marche avant


"La marche est pour moi comme un squelette de la danse, une colonne vertébrale dénudée" explique la chorégraphe qui propose, avec Déroutes un nouveau spectacle comme un étrange parcours.

Pourquoi avoir choisi Jakob Lenz, une nouvelle de Georg Büchner, comme point de départ de cette chorégraphie ?
Pour ce qu'elle raconte ; ce n'est pas une pièce de théâtre, c'est un récit. Lenz marche tout le temps, sans but. Et cette marche, cette traversée, est un parcours de la vie en même temps qu'une fuite en avant. Tout ce que vit Lenz est en devenir. On pressent une fin tragique, alors qu'aucun signe ne le laisse entrevoir. De cette promenade naît une confusion entre l'espace extérieur (le paysage) et l'espace intérieur (le corps) de Lenz. La transformation permanente de Lenz passe par sa perception progressive de l'extérieur. D'ailleurs, il va jusqu'à s'allonger sur la terre, se renverser, essayer de rentrer dans le sol.

La marche est un sujet rêvé pour un chorégraphe ?
La marche est pour moi comme un squelette de la danse, une colonne vertébrale dénudée du mouvement. La marche est de l'ordre du geste, c'est un matériau formidable pour la danse. Et, effectivement, on marche ici dans une sorte de paysage non naturaliste avec une grande profondeur de champ. Sur la scène, tout bouge, et les choses évoluent selon une dramaturgie particulière, car chaque danseur a écrit une "partition" de ses déplacements.

Dans votre travail, la dimension sonore est très importante. On se souvient par exemple de Signé, signés avec des oiseaux, un DJ...
Dans Déroutes, il y a trois éléments sonores particuliers. Certains danseurs portent des micros, qui amplifient le bruit de leurs pas ; de l'air est projeté de manière à faire vibrer des harmonicas ; enfin, nous faisons glisser sur la scène de gros pains de glace dans lesquels on a également introduit des micros. Le son de l'ensemble est spatialisé. Il y a aussi un autre chemin sonore réalisé par eRikm., la chanteuse Dalila Kathir et le poète Stéphane Bouquet.

Philip de la Croix
Aden - 11/12/2002