Mathilde Monnier fait des bulles
 
« Je ne m’inscris pas dans la stratégie d’une nouvelle étape », confie Mathilde Monnier, à quelques jours de la première de Soapéra, qui sera donné les 4,5 et 6 juillet. Et pourtant. Adossée au format resserré de seulement quatre danseurs, elle l’a conçu comme « un opéra spectaculaire » - notion assez peu courante chez elle. Et surtout, elle l’a complètement composé avec le plasticien, aujourd’hui installé à Montpellier, Dominique Figarella.
 
Actualité oblige, ou conviction d’un nouveau genre ? On sait combien la relation entre arts plastiques et danse est à l’ordre du jours de la 30e édition du festival montpelliérain, les chorégraphes américains Trisha Brown et William Forsythe ayant contribué à son exposé. En France, il n’est guère d’exemple probant depuis la participation notable de Picasso pour le ballet Parade en 1917, ou, plus récemment en 2006, celle de Miquel Barcelo pour Paso Doble de Joseph Nadj. La chorégraphe montpelliéraine avoue, pour sa part « un rapport plus souterrain avec la peinture ». et cite Giotto comme référence absolue.
 
Mais avec Dominique Figarella, la possibilité d’une composition à quatre mains s’est instruite comme une évidence, chacun trouvant chez l’autre la possibilité d’imaginer des correspondances. « L’atelier où je travaille, on l’a très vite vu comme un plateau. Les photos que j’utilise ont été associées à la notion de hors champ en danse », explique-t-il de son côté. Pour lui, l’histoire de l’art des cinquante dernières années se lit à l’aune des performances données dans les musées ou centre d’art. Pour lui, aussi, certaines personnalités marquantes de cette histoire, comme Simone Forti, constituent des passages obligés dans l’art contemporain.
 
Justement c’est à une chorégraphe, elle aussi américaine, qu’a pensé Mathilde Monnier. Ruth Saint-Denis (1878-1968), pour la nommer, a exercé un rôle considérable par l’invention d’un style original de danse libre. Les matériaux dont elle usait dans ses créations, comme la mousseline, accentuaient la perception de la légèreté des figures. Idée que Mathilde Monnier a voulu traduire dans un élément plus léger encore, et que le titre de sa pièce indique, en convoquant les notions de bulles de savon, de mousse ou d’écume qui l’accompagnent.
 
Du reste, sur cette voix, l’ont guidée les réflexions du philosophe allemand Peter SLoterdijk dans sa trilogie monumentale Sphères. Une réflexion, extraite du livre – « De l’air à un endroit inattendu »- aurait pu constituer le sous-titre de la pièce. En tout cas, elle a suscité l’invention  d’« un univers vaporeux, à travers lequel peut se faire une certaine représentation du monde ». Le processus chimique qui se met en place sur scène définissant par ailleurs « la temporalité de la pièce ». La danse, elle, soutient la chorégraphe est « très écrite ». Un face à face à découvrir.
 
Lise OTT
Midi Libre – 01/07/2010