les années 80

Comme un prélude de choix à Montpellier Danse qui affirme sa décentralisation régionale, Mathilde Monnier a présenté à Uzès deux pièces emblématiques des origines de son répertoire. Deux duos écrits et interprétés au milieu des années 80 avec Jean-François Duroure, qui nous ont plongés dans la dnse de Mathilde Monnier faisant à ce moment là ses premiers pas dans l’art chorégraphique.

La recréation de ces duos résulte d’un désir de transmission de la part de la chorégraphe. Elle en a enseigné la partition à deux jeunes danseurs de Montpellier, Sonia Darbois et Jonathan Pranlas. D’emblée, la silhouette frêle de la jeune femme au carré blond n’est pas sans évoquer un double de Mathilde Monnier au même âge. Troublant.

Premier duo à renaître sous les projecteurs du beau jardin de l’archevêché à Uzès lundi soir : Pudique acide créé en 1984 à New York en pleine éclosion de la danse contemporaine en France. Ce duo entre un homme et une femme vire parfois au bras de fer. Tension et amusement, c’est un corps à corps noué dans un rapport de force où la femme s’affirme. Les danseurs en kilts écossais ressemblent souvent à deux enfants. L’opéra de Quat’sous de Kurt Weill et ses paroles burlesques invite à quelques facéties. La seconde pièce, créée en 1985 à Lyon, est aussi axée sur le duo et le couple est vêtu à l’identique. La confrontation du masculin et du féminin se fait toutefois selon une distribution plus ambiguë : l’homme a du rouge à lèvre et la femme les cheveux gominés. Extasis est moins guillerette, plus intense et plus radicale que Pudique acide. Elle retient l’attention dès son entrée en scène.  Soutenue par un climat théâtral et étrange, elle glisse vers l’effroi comique sur un musique de Bernard Herrmann, compositeur de Hitchcock. Le kilt a disparu mais pas le côté punk et c’est ici qu’un fuck arrive au bout des doigts. Le frou-frou vaporeux des tutus révolus s’échappe sous les imperméables qui finiront par sauter car les danseurs grimés s’effeuillent. Ils évoluent entre l’avant et le fond de scène, canevas géométrique du désir qui va et vient. La confrontation n’appartient plus au seul couple, elle est adressée au public, regards défiants lancés droit devant.

Emotion à découvrir une pièce des débuts de Mathilde Monnier et à percevoir en live ce qu’était la danse il y a 25 ans, l’idée que ces duos émanent des années 80 en favorise la lecture. L’œuvre est plus facile à appréhendre pour ceux qui furent témoins du contexte de sa création. Mais la danse se jette à corps perdu dans le mouvement et sa beauté n’épargne personne.

anne leray
l’hérault du jour – 22 juin 2011