Tous pour un

Tic tac, tic tac… La création de Mathilde Monnier, Tempo 76, semble réglée par un métronome sauvage. Comment font-ils, ces danseurs, pour garder le rythme ? Passent-ils toute la pièce à compter ? On aimerait pouvoir lire leurs gestes comme on devine sur leurs lèvres une Marseillaise muette. Avec cette pièce à l’unisson, la chorégraphe montpelliéraine laisse temporairement de côté la veine rock (de P.J. Harvey à Philippe Katerine) et s’amuse à rebattre les cartes. C’est d’abord la rigueur qu’elle affiche dans cet exercice, qui n’exclut pas la fantaisie. Les neuf danseurs (cinq garçons et quatre filles) ne forment qu’un tout. Neuf fois le même, en jean et chemise blanche, moyennant quelques menues différences : on remarque bien qu’un des éléments est plus enrobé, un autre plus blond… Lorsque les filles reculent en fond de scène, côté cour, le groupe prend nettement un visage masculin. A un autre moment, une unique petite danseuse (asiatique) parvient à incarner tout le corps de ballet, dans un cri. Mathilde Monnier joue sur l’ensemble et la partie. Elle uniformise… et désynchronise. Annie Tolleter, fidèle au poste, renouvelle pour sa part tout son appareil scénographique. Ses tartans écossais, son gazon évoquent un improbable Tournoi des cinq ou six nations, quelque chose comme un tableau hyperréaliste – et partant de là, très onirique. Il y a quelque chose d’excessif dans le vert du gazon, dans cette équipe de rugby à neuf posée au milieu de nulle part, dans la musique mécanique de Ligeti. Mathilde Monnier garde pour elle ses secrets d’horlogerie. Pas facile à conter.

Mathieu Braunstein
Danser - Septembre 2007