Mathilde Monnier : "Je ne fais pas mes valises"



Que signifie le titre de votre pièce, Twin Paradox ?
C'est un concept d'astronomie très simple pour faire comprendre la vitesse de la lumière. Il y a deux jumeaux. L'un part dans la lune puis revient. A son retour, il est plus jeune que celui qui est resté sur terre. J'y trouve deux éléments qui sont au coeur de ma pièce : d'une part la durée, d'autre part le duo, la paire.

Vous y parlez du duo en danse ?
Dans mes pièces, les personnes sont plutôt seules, confrontées à un questionnement politique du groupe. Pour une fois je m'intéresse à cette figure de base de la danse : le duo, comme une affirmation assez simple et humaine du besoin de l'autre. Et une aide pour résister, pour tenir, pour durer.

Quand vous parlez de durer "malgré tout et après tout", pouvez-vous expliciter malgré quoi et après quoi ?
La danse a cette force très particulière de parler par elle-même, de se représenter par elle-même, par un corps en action. Elle se passe de texte, et de prétexte. Il s’agit de tenir, tenir ensemble, tenir avec le public. C’est un temps simplement présent, mais qui perdure, se renouvelle, s’obstine. Les danseurs n’ont besoin que d’eux-mêmes, de leurs corps, suffisant pour se battre, convaincre, résister.

Les marathons de danse américains de l’entre-deux-guerres ont été immortalisés par le film On achève bien les chevaux de Sydney Pollack. Est-ce une référence pour vous ?
Cette connotation pathétique est spécifique à ce film. Il ne faut pas plaquer cette dimension tragique sur ma pièce. Les marathons de danse ont signifié quantité de choses passionnantes dans l’histoire. Le défi de danser jusqu’aux limites du possible, de tenir pour tenir, génère une production de vide, qui a quelque chose de beckettien.

On trouve beaucoup de nouveaux, certains renommés, parmi les dix danseurs de Twin Paradox.
Les danseurs plus anciens qui m’ont accompagnée sont en général devenus eux-mêmes chorégraphes, et ne sont plus autant disponibles. Me confronter à d’autres, à des plus jeunes, me donne la chance de me réinventer.

Twin Paradox doit-elle être abordée comme votre dernière grande pièce avant de quitter Montpellier ?
Je ne quitte Montpellier que fin 2013. Les dix-huit mois qui nous en séparent seront très remplis et ne se résumeront pas à une préparation de ce départ. Je ne suis pas en train de faire mes valises.

Peut-on déjà retenir des éléments d’un bilan ?
Je n’aime pas ce mot, qui suggère une fermeture sur une conclusion alors que tout se présente comme une ouverture de nouvelles questions. Au cours de deux décennies passées ici, s’est développé un lieu artistique en perpétuel mouvement, qui n’a jamais cessé d’évoluer.
 

Propos recueillis par Gérard MAYEN
La Gazette – 21 au 27/06/2012