Les pleureuses s’en donnent à coeur joie

Danse . À Beaubourg, Mathilde Monnier et La Ribot créent Gustavia pour le Festival d’automne.

Sous l’égide du Festival d’automne, les chorégraphes Mathilde Monnier et Maria José Ribot, dite La Ribot, créent à quatre mains Gustavia, une pièce présentée ces jours-ci au Centre Pompidou (1). Mathilde Monnier, directrice du Centre chorégraphique de Montpellier, a emballé le public du dernier Festival d’Avignon où elle présentait 2008 Vallée, réalisé de concert avec le chanteur ultra-pop Philippe Katerine. On la connaît avant tout pour ses complexes chorégraphies de groupes ouvertes sur le monde. L’Espagnole La Ribot, par ailleurs compagne du chorégraphe suisse Gilles Jobin, figure majeure de la danse-performance, bien connue à cause de sa prédilection pour le fragment, a créé, de 1991 à 2004, des pièces courtes, les Piezas Distinguidas, bâties sur le principe du solo. Elle s’y livrait à une mise à nu ironique de tout son corps. Trente-quatre modules ont déjà vu le jour.

Avec Gustavia, les deux commères s’installent fébrilement dans le genre burlesque. Sur la scène tendue d’étoffe noire, elles semblent d’abord d’antiques figures de la déploration au chevet de Gustavia, qu’on ne verra pas mais qui a fourni son titre à l’oeuvre. S’agit-il de la défunte danse contemporaine ? Ces pleureuses n’ont pas le deuil orthodoxe : juchées sur des talons hauts, elles exhibent leurs cuisses nues. On sent qu’elles tentent aussi de montrer comment les pleurs peuvent tenir dans un corps qui fait semblant. Le public, cet ingrat, finit quand même par rire. Les actions s’enchaînent, toutes placées sous le signe d’un burlesque monochrome. Mathilde Monnier boxe l’air à poings nus, avant de s’en prendre au rideau de scène. La Ribot ne cesse de cogner sur la tête de sa partenaire avec une planche. Mathilde Monnier s’effondre. Le gag se répète à l’infini. Elles agissent pour l’instant sans un mot, produisant des éclats de danse à durée limitée. On prend un vrai plaisir au spectacle de ces mouvements précis et constamment inventifs. Elles vont jusqu’à relever un bout de pantalon pour montrer un coin de mollet. Cette ébauche de strip-tease minimaliste semble relever d’une drôle de pulsion, plutôt perverse, dès lors que le désir s’avance masqué.

Mathilde Monnier dit : « Le burlesque est une forme qui se situe entre la danse et la parole, et qui intervient presque toujours au service d’une minorité politique, sociale et humaine. » La parole intervient enfin lorsqu’elles improvisent, à deux voix, un long dialogue où les mots viennent conforter le discours du corps. Debout sur leur chaise, elles se mettent à décliner l’identité d’une femme qui serait toutes les femmes à la fois : une femme atomique, une femme végétale, une femme communiste, une femme avec ses organes, ses humeurs, avec son dehors et avec son dedans, etc. Elles montrent la femme. Elles la disent. Ainsi leur corps dansant finit par s’incarner dans la langue.

(1) Gustavia, c’était au Centre Pompidou. Renseignements au 01 44 78 12 33.


Muriel Steinmetz

l'humanité

27 octobre 08