Bruit blanc
L’une est brune, autiste, s’appelle Marie-France Canaguier et vit en milieu hospitalier depuis l’enfance. L’autre, blonde, est la chorégraphe Mathilde Monnier. Depuis 1994, elle pilote des ateliers dans le cadre de l’hôpital psychiatrique de La Colombière à Montpellier. Là, elle a rencontré Marie-France. Un dialogue corporel s’est noué. Difficile, imprévisible, essentiel. Le contact démarre par la plante des pieds, passe par le massage du dos pour finir dans des sauts, des courses ou des enlacements. Au fil du temps, une histoire commune à ces deux corps – l’un maîtrisé, l’autre enfermé – s’est articulée, avec ses lenteurs et ses balbutiements.
Le film, réalisé par Valérie Urréa, avec retenue et beaucoup de grâce, témoigne de l’expérience unique de ces deux femmes qui se cherchent et finissent par se reconnaître.
Dans un espace épuré, uniquement habité par un formidable amas de branchages, elles réinventent le toucher et le lien à l’autre. A l’écoute, Mathilde Monnier sollicite sans cesse Marie-France, ne perd jamais le contact physique, se glissant dans la moindre ouverture pour lui proposer de nouveaux gestes, des jeux inédits.
A propos de cette quête affolante d’incertitudes, Mathilde Monnier s’interroge : « Est-ce que ce duo a lieu ? A-t-il lieu d’être ? D’exister ? » Réponses affirmatives. Bruit blanc impose avec une évidence saisissante la nécessité et l’authenticité de la quête physique et mentale de ces deux femmes, tendues vers l’inextricable mystère de soi et de l’autre.
Rosita Boisseau
télérama
mercredi 7 avril 1999