" Non, maman, je ne peux pas te ramener un autographe des vedettes du film, non maman, c'est moi l'acteur du film " : portable à la main, Hamid tente d'expliquer à sa mère ce qu'il fait. Pas facile, Lui, le petit Beur du quartier des Cévennes est en train de tourner, avec Mathilde Monnier, directrice du centre chorégraphique de Montpellier. C'est une scène de " E pour Eux ", projeté en avant-première vendredi 5 au Festival du cinéma méditerranéen et diffusé le 6 sur France 3. Expérience Ce film montre l'expérience faite par la chorégraphe avec une vingtaine de jeunes des quartiers difficiles de Montpellier. Pendant l'été 98, elle les a emmenés dans les musées, voir des spectacles de danse. Elle les a fait danser, mais surtout les a fait parler. A l'origine, l'idée de Mathilde Monnier, Annie Tolleter et Karim Zeriahen, le réalisateur, était d'aboutir à un spectacle. C'était trop compliqué, c'est devenu un film. Sur le principe de l'abécédaire, ils déclinent, lettre par lettre, leurs sentiments, leurs émotions. Le résultat est touchant. Ils évoquent le racisme (" Naissance, nul, nationalité, noir), la prison (" ce n'est pas le Club Méd "), leur mère (" quand je suis malade, elle est docteur, quand j'ai des problèmes elle est psychologue, quand j'ai besoin d'argent, elle est banquier "). Ils expliquent aussi leur rencontre avec l'art, en des termes souvent naïfs : " La première fois que je suis allé dans un musée, raconte l'un d'eux, pour moi, c'était bête, on a tous rigolé. " " Si on m'avait parlé d'art, raconte un autre, j'aurai dit, trace ta route, me parle pas, c'est pas notre monde. " " Je dis pas que j'ai compris à 1000% mais maintenant, j'aime l'art. " Pendant cet été 98, ils se sont ouverts sur un monde très différent du leur. " Ca n'a pas changé ma vie, dit l'un des jeunes ; mais j'ai plus le même regard ! "

Joëlle PORCHER
La Gazette
Du 5 au 11 Novembre 1999