Monnier
Duroure

 
Révélation au Théâtre de la Bastille, qui s’avère décidément le haut lieu de la danse new wave à Paris. A l’affiche, Mathilde Monnier, la muse de François Verret , et Jean-François Duroure, pensionnaire chez Pina Bausch, dans Pudique acide. Un duo composé à New York par ces deux boursiers du Centre national de danse contemporaine d’Angers, en proie au mal du pays.
Ils portent kilt et cheveux tout droits dressés sur la tête, non de frayeur mais d’amour. Sur les musiques fortement scandées de Kurt Weill, ils s’élancent comme des forcenés, se poursuivent, se bousculent en pas chaloupés et repartent à l’assaut. Parfois, une langueur les saisit. Ils s’étreignent, l’un contre l’autre se reposent : elle forte, lui plus fragile. Tour à tour adversaires et complices, ils sont à la fois semblables et différents. Complémentaires.
 
Danse paradoxale
 
Le second volet, Extasis, a été créé à la Maison de la danse de Lyon. De grands spots inondent de leur lumière crue l’écran au fond de la scène et le sol, également immaculé. En tutu long recouvert d’une gabardine mastic (costumes hautement signifiant au premier coup d’œil) ils amorcent des marches perpendiculaires, une main sur la bouche, ou les bras tendus vers le ciel, comme s’ils craignaient qu’il ne leur tombe dessus. C’est une danse paradoxale, où alternent les grands sauts, avec moulinets de bras, et les mines contrites de retour de communion. Puis ils s’écroulent dans un fouillis de tulle, d’où émergent seulement deux paires de jambes.
 
Leurs tenues successives (veston, voile de mariée) font surgir à point les fantasmes, vite balayés par leur danse dévastatrice. Ils l’ont apprise chez Viola Faber, au CNDC d’Angers. De telles personnalités suffiraient au renom de celle-ci et à la justification de celui-là. Quand à l’invention chorégraphique, elle jaillit à chacun de leurs pas, comme une gerbe d’étincelles.
Leur emploi du temps ne coïncidant que rarement, les occasions de les voir ensemble sont rares. Rendez-vous pourtant au festival d’Avignon, puis au Théâtre de la Ville, la saison porochaine. Retenez vos dates, ces deux-là valent le déplacement. Ce n’est pas si fréquent, après tout.
 
Simone DUPUIS
Les saisons de la danse - janvier 1986