Montpellier Danse Monnier résiste dans « Tempo 76 »
Elle ne marche plus, ne s’affiche plus nue, comme pour le festival 2002, ni ne court ni ne chante ni ne « rocke ». Pour Montpellier Danse 2007, Mathilde Monnier, qui crée Tempo 76 sur une composition éponyme de György Ligeti, se dit à « l’unisson ». Tournée, la page de Publique sur les rythmes rock de P.J. Harvey en 2004. Arrêtés les textes acidulés politiques du chanteur Katerine, pour 2008 Vallée, en 2006. Terminées, pour un temps, les interrogations familiales sur les origines bourgeoises, comme dans La place du singe, avec Christine Angot, en 2005.
Place aux choses sérieuses, comme l’éthique et l’esthétique. Place, surtout (c’est une autre façon de le dire), à « ce qu’il y a de plus profond dans l’humain, à ces moments forts : la mort, les pleurs, la joie, la jubilation, l’euphorie ». A l’unisson, donc, mais ce n’est pas simple. Dans « un temps où tout s’accélère, où l’internet a falsifié notre rapport au présent, où l’on est décalé, il y a des choses que l’on fait de plus en plus vite, parce que les machines proposent sans arrêt des systèmes à notre place. On est, la plupart du temps, complètement désynchronisé. On accumule les activités pour combler les temps vides. » Bref, « on n’a pas eu le temps de s’adapter ».
Evidence ? Pas sûr. Il y a quand même une certitude qui rassemble les neuf interprètes de Tempo 76, c’est qu’ « on ne peut pas travailler plus vite qu’une certaine logique des corps ». En clair, si l’unisson « règle évidemment, dans l’histoire de la danse, la forme du ballet classique », tout en suscitant « un sentiment de fascination » auprès du spectateur, les messages se sont déplacés. Il s’agissait autrefois d’occuper l’espace avec « les corps normés pour cela des danseurs étoiles », dont les figures proposaient des variations héroïques. Aujourd’hui, « la danse, qui est un art de la communauté, de groupe qui travaille ensemble sur un projet, se fonde surtout des états émotionnels qui existent derrière l’aspect formel ». Ensemble, oui, mais pas pour marcher au pas – logique d’individus en prime.
Ligeti, justement, sur ce propos, est exemplaire. Reconnu par quasiment tous les courants antagonistes de la musique contemporaine, il fit scandale en 1962 avec Poème symphonique pour cent métronomes, où dix personnes déclenchent des métronomes à des vitesses différentes, et, surtout, déteste « l’idée de groupe et de parti ». Mais il privilégie le folklore, « un abri contre la pression politique », et il est un des rares, selon la chorégraphe montpelliéraine, à « travailler à l’intérieur de l’espace mélodique ». Décédé en 2006, à l’âge de 83 ans, c’est un rebelle qui affirme qu’ « il n’y a pas de fin du monde ». Pour Mathilde Monnier, une façon d’aller de l’avant , et ce sans déroutes. C’était, on s’en souviendra, le titre de sa création en 2002. Elle écrit ici la suite, sur le rythme « ni rapide ni lent » de Tempo 76, résistance en tête.
Lise OTT
midi libre
24 juin 2007