Alors que la 43e édition du festival Montpellier Danse vient de débuter, son directeur, Jean-Paul Montanari, s’est vu remettre jeudi les insignes de Commandeur des Arts et des Lettres. Il voulait remercier « surtout (sa) mère, dont l’amour (lui) aura sauvé (…) de la banalité ».

Très attendue, la création de Mathilde Monnier lumières noires traite des violences faites aux femmes. La chorégraphe (à la tête du CCN de Montpellier de 1994 à 2013) s’appuie sur la série (2021), de Valérie Urrea et Nathalie Masduraud, diffusée sur Arte, tirée de textes d’auteurs actuels (dont Lola Lafon, Alice Zeniter, Agnès Desarthe , Siri Hustvedt…), soit 24 situations sur le harcèlement de rue, les agressions sexuelles, les tentatives de viol, les manipulations verbales, la lesbophobie, les insultes…

D’immenses souches d’oliviers (le plus vieux a deux cents ans !) jonchent le sol. Certains semblent avoir été brûlés, d’autres fument encore. Huit performeurs (habits de tous les jours, bottines) sont assis en fond de scène, dans le noir.

L’actrice portugaise Isabel Abreu s’avance. Elle revit en racontant un plaidoyer – elle joue le rôle d’une avocate – devant un collègue qui l’assomme en louant la beauté de son chignon… Les moignons se mettent à fumer tandis que la rage gagne les têtes. Les huit femmes sont alors au sol, jambes ouvertes face au public. L’obscénité supposée de l’attitude est contredite par le regard sombre qui signifie : « Qu’est-ce qui t’arrive ? »

Chacun à son tour vient vivre un texte qui évoque l’humiliation, le machisme, le harcèlement et même le viol, jusqu’au meurtre. Il y a l’apprentie réceptionniste licenciée, elle ne porte pas les talons de 8 cm réglementaires, et cette autre qui s’est fait siffler dans la rue, et celle qui s’est fait jeter de l’acide au visage. Ils sont bientôt escortés par les autres qui forment une masse, pulvérisant par leur seule présence ceux qui osent les vaincre.

Mathilde Monnier maîtrise habilement la palette des émotions. Tous présentent les symptômes physiques de l’inconfort, de la honte, de la souffrance. Derrière les grosses racines qui ne fument plus, on est allongé, les cuisses ouvertes ou les jambes rejetées en arrière. Une autre, coude à l’envers, a le visage contre terre… La séquence finale est emportée par la violence (non agressive) de la Mozambicaine Mai-Juli Machado Nhapulo (24 ans, on la sait très impliquée dans le lutte contre l’excision), qui nous envoie un uppercut virtuel en plein visage.


Cammile Bussière
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