Entretien avec Mathilde Monnier

Mathilde Monnier présente 2008 Vallée, le spectacle qu’elle a créé en 2006 avec le chanteur et compositeur Philippe Katerine pour sept chanteurs-danseurs, dont Mathilde Monnier et Philippe Katerine eux-mêmes.


Un spectacle signé à la fois par une chorégraphe et un chanteur : c’est l’occasion de reposer la question des rapports danse-musique, relativement peu interrogés aujourd’hui…
Je pense que la danse a eu besoin de se désolidariser de la musique pendant un temps, pour trouver et affirmer son identité propre. Mais ces deux arts sont riches d’une complicité de plusieurs siècles ! Ils sont un peu comme un frère et une sœur, meilleurs amis et meilleurs ennemis à la fois… Personnellement, je n’imagine pas danser longtemps sans musique ; c’est un socle d’intuition, d’imaginaire.
Inversement, le désir de danse peut émaner des musiciens : c’est ainsi qu’un jour, Philippe Katerine m’a téléphoné pour me proposer un projet à partir de son album Robots après tout. L’idée, qui m’a beaucoup intéressée, était donc de travailler sur un objet artistique déjà constitué, et de chercher à en donner une version qui ne soit ni celle que propose l’album, ni celle que l’on entend en concert. Une nouvelle vision, créée au fil de notre collaboration.

Le fait de travailler sur des chansons, avec la présence en scène de Philippe Katerine, est aussi une façon de remettre en jeu les modes de représentation habituels en danse : explorer la figure du chanteur, son mode de relation au public, est-ce un désir courant chez les danseurs ?
Philippe Katerine est tellement hors norme que l’on ne peut pas le réduire à un « type » qui nous permettrait d’approcher ce qu’est un chanteur aujourd’hui ou de travailler sur le corps d’un chanteur… L’intérêt était de s’immerger dans tout l’imaginaire qu’il porte avec lui, d’essayer de comprendre son monde, son personnage, et de travailler avec toute cette galaxie. Cela nous a emmenés vers le caractère « décalé » de 2008 Vallée, mais aussi vers l’utopie, un peu soixante-huitarde, qui consiste dans cette pièce à créer une mini-communauté.

Comment les danseurs sont-ils devenus « danseurs-chanteurs » ?
Le défi s’est traduit par un important travail de texte – revisiter les chansons, les réorganiser, les « ré-écrire »– et sur la voix. Philippe et moi avons fait des castings ensemble pour les interprètes : je connaissais leur travail corporel, mais il s’agissait d’explorer leur voix, ce que peu de danseurs ont l’habitude de travailler ! Plusieurs d’entre eux avaient une voix sans le savoir : c’est une belle découverte.

Propos recueillis par Marie Chavanieux

2008 Vallée, de Mathilde Monnier et Philippe Katerine, du 24 au 26 juillet 2008 dans la Cour d’honneur du Palais des Papes.