Le corps est un art

La cinéaste Claire Denis a filmé le travail de création de la chorégraphe Mathilde Monnier.

Mathilde.
Arte, 22 h 50.

Elle cherche des mouvements. Elle parle aux danseurs et voudrait cheminer avec eux, comme pour dessiner dans l’espace une trajectoire commune. Mathilde Monnier, directrice du Centre chorégraphique national de Montpellier, travaille sur sa prochaine chorégraphie de danse contemporaine Frère et soeur. La cinéaste Claire Denis se fait, l’instant d’un documentaire, le double de la chorégraphe. Discrètement, elle filme Mathilde pour tenter de capter les moments de création, où viennent sans cesse s’immiscer doute et plaisir.

Mathilde Monnier esquisse des mouvements de bras dans le vide. Claire Denis l’observe attentivement. « L’espace est rayé, la feuille n’est plus blanche », explique Mathilde. La caméra, oeil

de Claire Denis, approche la danseuse de plus près. Comme pour mieux saisir les gestes, elle l’entoure de son regard timide. Puis la glace fond et les deux femmes entament un vrai dialogue. « Dans chaque geste, il y a une résistance et un abandon », dit Mathilde en s’adressant à la cinéaste. « Ça travaille autour de la cage thoracique », intervient Claire Denis. « Oui, c’est le lieu de l’émotion », dit Mathilde. Le courant passe entre elles. Et Mathilde continue de créer, de buter et de rebondir. Les danseurs esquissent des mouvements. Les répétitions se succèdent. Le temps presse. Mathilde doit être prête pour la première. Les éléments de la mise en scène sont étudiés au millimètre près. La tension monte. Claire Denis accompagne un accouchement douloureux. Sans faire de commentaires intempestifs, la cinéaste laisse le champ libre aux images et aux sonorités de la danse. Un seul regret : elle filme, pendant le dernier quart d’heure, trop longtemps à notre goût, le résultat chorégraphique. Car quel qu’il soit, ce qui emporte en fait toute notre attention, c’est ce travail préalable de recherche, où l’imaginaire et les idées de la chorégraphe s’entrechoquent, prennent forme et font sens à travers l’énergie du mouvement.

Ixchel Delaporte

L'Humanité
30/07/05