Le corps est son sujet, le mouvement est son objet. Mathilde Monnier innove dans une forme entre danse et texte avec Black Lights, une création qui nous parle des violences ordinaires faites aux femmes. Rencontre. 
Comment est née cette création ?

Mathilde Monnier : Au départ, j’avais vu la série diffusée sur Arte en 2021 intitulée H24. Ce sont des courts-métrages réalisés à partir de 24 textes écrits par des autrices sur les violences ordinaires faites aux femmes. Elle a été réalisée par Nathalie Masduraud et Valérie Urréa. Elle m’avait intéressée, d’autant plus que j’avais réalisé Bruit Blanc avec cette dernière. Mais c’est plutôt le texte qui a été le déclencheur. Voilà un moment que je cherchais un texte afin de monter une forme théâtrale et chorégraphique, et j’ai découvert ces écrits, très différents de la série, très parlants, qui ne supposaient pas d’images. Ces textes interpellent directement les corps. J’ai pensé que c’était de belles œuvres à mettre sur scène. J’’en ai donc choisi huit ou neuf, ce qui est déjà beaucoup pour un spectacle.

« IL M’INTÉRESSE DE CRÉER UNE RELATION ENTRE LE MOUVEMENT DES TEXTES ET CELUI DES CORPS, CE QUE SEULE LA DANSE PEUT FORGER. »
Pourquoi l’avoir intitulé Black Lights ?

M.M. : Pour moi le titre évoque la lumière noire sur les scènes de crime, mais aussi les bribes de mémoire, des lumières qui persisteraient suite à des traumatismes. Comme une sorte de rémanence rétinienne. Dans la pièce je m’intéresse beaucoup à ce que le corps enregistre, et ses répercussions. Comment le montrer sur scène ? Et comment, au-delà de l’acte de violence, la personne vit-elle avec cet événement fiché dans son corps, sa psyché, son imaginaire, avec ces lumières noires dans la tête ? Ce sont ces réminiscences physiques qu’il m’intéresse de chercher pour ouvrir des potentialités interprétatives, créer une relation entre le mouvement des textes et celui des corps, ce que seule la danse peut forger. Car, derrière ces mots, il y a la force des présences, des corps qui témoignent, qui se mettent en jeu, qui résistent.

Comment avez-vous choisi vos huit interprètes ?

M.M. : Elles ont entre 24 et 54 ans. Réparties entre comédiennes et danseuses, ce sont avant tout des personnalités. J’ai déjà eu un parcours avec certaines d’entre elles. Par exemple retrouver Jone San Martin qui a été l’égérie de Forsythe pendant vingt ans, c’est un cadeau de la vie. C’est une danseuse extraordinaire, ou Isabel Abreu qui est LA comédienne de Tiago Rodrigues. Ce n’est pas une compagnie mais un casting. La parole circule. Certaines ont plusieurs textes, d’autres n’en ont pas. Parfois un même texte est réparti entre plusieurs, de façon à ce qu’il n’y ait pas une histoire/une interprète.

Quelle scénographie avez-vous en tête ?

M.M. : Annie Tolleter et moi avons imaginé un décor en fond de scène, comme un passage. Ce sont de vrais troncs d’olivier qui ont 200 ans, peints en noir. Je voulais évoquer la tragédie, le Sud mais aussi un espace brûlé. Ils fument sur le plateau pendant toute la pièce. C’est une sorte de paysage mental, sombre, mais très brillant, une sorte d’outre-noir, un noir lumineux.

 
Propos recueillis par Agnès Izrine
Mathilde Monnier« Black Lights »
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