Twin Paradox de Mathilde Monnier


Cinq couples comme en lévitation trente centimètres au-dessus du plateau, portés par une grille couleur bois. Hors du monde, hors du temps. Seule la danse compte, pendant presque deux heures et jusqu'à l'épuisement. Inspiré des danses marathon des années 20 aux Etats-Unis, Twin Paradox en inverse pourtant la vapeur. Ici c'est la recherche en soi qui produit la transe. Chacun(e) semble plonger dans ses souvenirs et ses pensées à travers les paysages sonores signés Luc Ferrari. A la fin on perd connaissance comme si on glissait vers la douceur des rêves et c'est à ce moment que les interprètes de choix, de Thibault Lac à I-Fang Lin, de Jung-Ae Kim à Cédric Andrieux, montrent tout de leurs qualités exceptionnelles. Ces couples-là ne s'affrontent pas mais expérimentent toute la gamme des rapports entre danseurs. On étreint l'autre, on le secoue, on s'y agrippe, ou bien on arpente l'espace, sans hiérarchie aucune. Monnier se montre plus cunninghammienne que jamais, selon la devise du maitre : "c'est quand un mouvement a l'air maladroit qu'il commence à m'intéresser." Ici, l'unisson imposé par la société compétitive, qui était le sujet de Tempo 76, semble croiser la danse comme fin en soi, traitée dans Publique. Si chaque tableau de Twin Paradox peut sembler interminable, c'est que Monnier nous invite à abandonner le rapport habituel au temps et au regard. Pour plonger dans une empathie qui se niche sous la peau.

Thomas HAHN
Danser - septembre/octobre 2012