Des interprètes plus que jamais aux avant-postes de la créations Lluis Ayet Puigarnau et Hermann Diephuis parlent de leur engagement hors du commun, dans " L'atelier en pièces " C'est une pièce qui semble extrême ; qui repousse les limites. Mais, Lluis Ayet Puigarnau rejette ces notions, d'une moue entendue. Car pour lui, " chaque création est extrême, chaque création consiste à aller vers quelque chose qu'on ne connaît pas. " Et quel qu'en soit le thème " mon travail est toujours une folie " estime-t-il. Dans " L'atelier en pièces ", il est le seul a qui ait été réservés des moments d'improvisations : " Personnellement, je n'ai pas souhaité fréquenter longuement l'atelier qui était animé auprès de patients de l'hôpital psychiatrique. J'ai préféré m'en tenir à une impression première. D'où ensuite, la part laissée à l'improvisation, pour exprimer cela ". Sur le plateau, presque mêlé aux spectateurs, il ressent bien qu'un climat s'installe parmi ces derniers : " L'artiste va toujours dans la conscience des gens jusqu'à un point où ils ne vont pas eux. Mais cette fois, les spectateurs ont sans doute plus l'impression de découvrir l'autre en même temps qu'eux-mêmes ; presque un autre qui est en eux. C'est troublant. Ca peut même faire peur. " Hermann Diephuis, lui, a des gestes extrêmes au cours du spectacle : " c'est dans mon caractères, et j'arrive à un niveau de maturité, en même temps que la compagnie, qui me permet de dépasser certaines limites, de sortir des normes. Mathilde Monnier nous a demander d'aller loin au fond de nous-mêmes. Pourquoi censurerait-on en danse l'expression de pulsions que les arts plastiques ou la littérature vont représenter ? " Ces gestes peuvent comporter une souffrance physique réelle pour le danseur : " Le monde de la folie, que nous évoquons, est extrême, dans son vide, dans sa perte, de communications. Il comporte aussi de la violence sur soi-même, de l'autodestruction. Et les limites du corps y semblent moins nettement perçues, certains semblant regarder leurs membres comme s'ils ne leur appartenaient pas, comme s'ils pouvaient être projetés contre un mur à l'instar d'un morceau de viande. " Le danseur ne doit donc pas s'interdire de " faire des choses pas bien pour un danseur, des choses qui font mal ", d'autant qu'un " état mental supérieur peut permettre de dépasser la sensation de mal ". A l'inverse de quoi, Hermann Diephuis paraît le plus en confiance, le plus tendre dans la relation avec le jeune autiste qui évolue dans la pièce : " Ca présence justifie cette création. Ce garçon renverse le thème du vide, de la non-communication. Au début, il a tout déréglé dans nos habitudes de travail, qui sont rigoureuse, et auxquelles il lui était impossible de se conformer. Cette perturbation n'a pas compter pour rien quand il a fallu que nous dépassions nous-mêmes ".
Gérard MAYEN
Midi Libre
25 Mai 1996