Montpellier Danse Monnier et Angot à « La place du singe »
Installation, performance, chorégraphie, lecture : La place du singe, création à trois de Christine Angot, Mathilde Monnier et Annie Tolleter, est un peu tout cela à la fois. Croisant les territoires – danse, littérature et scénographie – au nom d’un objectif pas simple : le rapport à la bourgeoisie. Pas simple pour quiconque (encore que…), mais surtout pas simple pour un artiste, dont la liberté d’expression rentre aisément en conflit avec les codes moraux d’un milieu social qui s’appuie dessus pour exister.
Vieille histoire. Tout le XVIIIe siècle français en est rempli, sans parler du XIXe où cela devient un véritable cheval de bataille pour les peintres et les écrivains, en passant par Courbet, Manet, Degas, Van Gogh, Flaubert, Zola et Proust. Pour ne citer que ceux-là. Au XXe siècle, la sociologie s’en empare et Bourdieu l’inscrit au fronton de sa critique des valeurs.
Pour autant, si la question peut s’avérer douloureuse, elle nécessite d’être abordée de front. « La bourgeoisie se définit par un art de vivre. C’est ça le rêve bourgeois », dit Mathilde Monnier. Et de rajouter : « L’artiste travaille à rebrousse-poil de cela. On veut toujours mettre les gens à une place. Or, l’artiste se définit en inventant un repositionnement qui lui est personnel. » Cela ne signifie pas pour autant qu’il méprise la société.
Plus radicale, Christine Angot estime que « l’imaginaire n’appartient pas à la bourgeoisie ». L’écrivaine n’a pas le même rêve. En réalité, « le désir d’écrire s’impose. Et l’écrivain prends le temps, non pas pour trouver une place dans la société, mais pour établir un rapport à l’autre. »
Pourquoi alors La place du singe ? Et en quoi cette question a-t-elle un sens dans un festival de danse ? Pour Monnier, le singe implique un geste artistique. Il consiste à « retourner, par le fait de singer, toute image préconçue de l’être ». Elle s’inspire en cela d’une chorégraphie de 1914, Hexentanz (la danse des sorcières) de Mary Wigman, chorégraphe pour laquelle « le corps qui n’est plus un simple corps, et qui n’est pas encore un instrument, devient la scène de combats intérieurs et extérieurs ».
Un film de cette chorégraphie restitue seulement trois minutes du spectacle, qui ont fait rêver la chorégraphe montpelliéraine. Qui a, par ailleurs, appelé sa compagnie dès le départ, De Hexe.
Singe et sorcière ont du reste des points communs, dans la posture qu’on leur prête, et dans celle que leur accordent Christine Angot et Mathilde Monnier : celle de celui qui dérange, voire, déroute.
On conviendra alors que si la danse s’affronte à cette problématique, ça n’est jamais que pour être en phase complète avec tous les arts.
Lise OTT
midi-libre
30 juin 2005