Pièces de Mathilde Monnier, la Cigalière, Sérignan

Trois études, trois pièces courtes, trois solos : 8mn, 12mn et Signé au singulier ».
« 8mn » invite le public à s’asseoir au centre de la scène, autour d’un écran blanc. Pas de lumière, très peu de musique, juste les discrètes ambiances sonores électro-basse live de Didier Aschour. Le vidéaste, lui, fait quelques essais et puis Mathilde Monnier arrive, toute vêtue de blanc, elle entre doucement en représentation, une démarche naturelle qui la conduit sous nos yeux dans le rectangle-écran-carcan. Désormais cet espace de mouvement réduit devient support d’images, d’expression, ou plutôt de manque d’expression. La chorégraphie de Mathilde Monnier nous frustre, une danse sans plaisir, crispée, aliénante dans laquelle le corps semble souffrir, étouffé, mal en point, presque forcé de jouer avec cette image de lui que lui renvoi la technologie. Quelle est donc la réalité ? Que choisi l’œil du spectateur ? Cette femme qui respire et danse, presque malgré elle, comme un pantin enfermé dans sa « cage-écran » ou l’image numérique de cette femme, omni présente, fascinante, par ce que devenue intemporelle ?
Même procédé dans « 12mn », images de mouvements et mouvements de la chorégraphe se confondent, se cherchent, se courent après, se succèdent progressivement et puis se délaissent, enfin. La camera posée au sol redevient objet, le musicien, le vidéaste, la danseuse peuvent alors se mettre à courir dans tous les sens, à s’échapper de ce monde urbain et technologique, à réfléchir peut être…et nous avec.
« Signé au singulier » est un solo dansé par Rémy Héritier, une dédicace à Merce Cunningham que j’appellerai pour ma part masculin singulier. Rémy Héritier dégage une animalité maladroite, un mélange de force et de brisure rare, qui généralement ne laisse pas indifférent le genre féminin-singulier. Ici pas d’autre image que ce corps dont la seule présence suffit à nous scotché au siège. Un miracle ce Rémy en mouvement ! Les images défilent dans nos cerveaux surinformés, plus de vidéos cette foi mais seulement le corps du danseur, comme support d’expression à notre propre imaginaire. On devine la ville, New York, l’homo sapiens, les coups, les chutes, les équilibres fugaces, les allers, les retours, la solitude, l’ordinaire, la douleur et quelques moments d’insouciance avant une sortie lente et sans regret. Rémy Héritier raconte avec son corps et laisse sans voix. La beauté est si discrète parfois qu’on pourrait presque ne plus la vois parfois dans notre monde pornographique.
Les dates : au théâtre de Sète, le9/03 « Pièces », le12/03 « publique »

olé magazine
16 mars 2005