La chorégraphe Mathilde Monnier revient dans la cour d’Honneur trois ans après la Place du singe et Frère et soeur, présentés dans l’édition 2005 du Festival d’Avignon qui fit couler beaucoup d’encre (1). Cette fois, elle propose 2008 vallée, un spectacle conçu à quatre mains avec le chanteur Philippe Katerine. Elle nous en parle.
La cour d’Honneur est-elle toujours aussi intimidante ?
Mathilde Monnier. Oui, elle l’est. Il s’agit pour moi d’une entreprise de réappropriation que j’effectue en compagnie de Philippe Katerine. C’est une manière de revenir à quelque chose d’assez joyeux et surtout de réhabiliter, à mes yeux, un espace. Lors de la création de Frère et soeur ici même, en 2005, la réception du spectacle fut violente. Cette année-là, Jan Fabre était l’artiste invité. Les spectateurs étaient très critiques sur les pièces présentées. J’ai senti un refus de la danse dans les espaces d’ordinaire dévolus au théâtre. Ce fut une période agitée et j’en ai fait les frais. Il y avait certes un climat d’excitation car les gens ont manifesté une vraie curiosité pour les oeuvres présentées. Il y a eu un débat sur les formes contemporaines et en même temps il y avait ce questionnement sur la légitimité de présenter un spectacle de danse dans la cour. Je ne sais pas si ce qui s’est passé a été bénéfique. Pour ma part, ce fut éprouvant. Il y a eu beaucoup d’émotions négatives envers mon travail et j’ai été bouleversée. J’ai mis plusieurs années à m’en remettre. Et puis il y a eu un rebondissement assez fou lorsque j’ai rencontré le chanteur Philippe Katerine en septembre de cette année-là. Dès cette période nous avons commencé à travailler ensemble. Il m’a redonné confiance en moi. Il a su me rassurer sur mes choix artistiques.
Hier vous avez travaillé avec Christine Angot qui écrit. Aujourd’hui c’est avec Philippe Katerine qui chante. Vous appréciez le mélange des genres…
Mathilde Monnier. 2008 vallée est une pièce un peu extrapolée où chacun de nous est hors de soi, hors de sa propre pratique. Philippe et moi nous projetons comme des satellites dans l’univers de l’autre. On s’envoie en l’air dans plusieurs espaces. Je chante et lui danse. Nous avançons tous les deux sur un terrain inconnu avec pas mal de fragilité. Je ne voulais surtout pas apprendre à Philippe une technique pour se mouvoir. Il m’a avoué qu’il aimait danser d’une certaine manière sous sa douche. Cette danse, quand je l’ai vue, je l’ai trouvée intéressante. Cela dit, j’ai mis du temps à lui faire confiance. Dans cette manière de bouger, il met sa fantaisie, sa façon de dessiner, ses fantasmes, ses rêves mais aussi ses cauchemars et ses obsessions.
(1) 2008 vallée de Mathilde Monnier et Philippe Katerine, ce sera dans la cour d’Honneur du palais
des Papes, les 24, 25
et 26 juillet à 22 heures.
Entretien réalisé par Muriel Steinmetz
04.07.08 . l'humanité