Des garçons et des filles de mon âge

Montpellier danse a commencé fort et proposé de belles créations, avant la très attendue grande nuit de clôture sous forme d’improvisation.
PUBLQUE

« Un soir, j’ai vu une fille en boîte », nous racontais Claire Denis lors d’un dialogue avec Mathilde Monnier où elles évoquaient, à la suite du film Beau Travail de la réalisatrice, l’objet-film de leur future collaboration et son axe principal : la danse, geste universel, soupape de l’intime et creuset du collectif. « Cette fille avait les cheveux qui lui cachaient le visage et elle dansait seule, tête baissée, complètement absorbée par la danse et le rapport de son corps à la musique. C’était PJ Harvey. »
Ce souvenir ou un autre… Mathilde Monnier, aujourd’hui, fait refluer une image antérieure, qui serait « comme un point initial de ce qui m’a amenée vers la danse ». Une fille rousse au milieu d’une foule, qui « danse à la fois sa danse, mais aussi des danses codées et parfois lascives, sensuelles mais inventives. Toute la danse me semble là, dans les différentes strates qui apparaissent en même temps. »Sa chorégraphie publique est comme une page blanche. Un minimalisme visant à l’essentiel : le rythme des danseuses a inspiré au plasticien Laurent Goldring un plateau clair et nu, rehaussé en son centre par un plan évasé, piste de skate-board pour « sauts de la rose » contemporains…Une façon de développer son propos - fondé sur la notion de corporéité, et dont nombre de chorégraphes se sont dernièrement inspirés dans leurs pièces, de Xavier Le Roy à Saskia Holbling-, en « incorporant » l’espace au mouvement des danseuses. Moins un état de corps qu’une sortie hors du corps. Sur la musique de PJ Harvey, les huit interprètes féminines de Publique échangent leurs tenues de villes et leurs perruques rousses, mais l’échange s’arrête là : sous le regard de l’autre, danseuse ou public. Chaque danse est comme un monologue de sensations, de réminiscences et d’élans off control .
Tout part d’un geste qui démange. Une danse du dedans qui s’échappe bouffées, tremblements du poignet, sautillement des pieds, tressaillements du buste et du bassin, jusqu’à l’explosion. Les filles virent assez vite furieuses : gestes rauques ou roucoulants, amalgamés à la pâte sonore, sourde et saturée, et profilés sous l’unique projecteur qui balance la lumière ou l’occulte. Laissant alors la place à des pénombres qui sont comme des rumeurs.

Fabienne Arvers

Les inrockuptibles
07 juillet 2004