Pour Black Lights proposé au début du festival Montpellier Danse, la chorégraphe montpelliéraine s'est emparée de certains récits de la série H24 diffusée en 2021 sur Arte, et qui rend compte des violences ordinaires faites aux femmes. Sur le plateau, elle convoque des corps de différents âges, d'expériences variées et animés par différentes techniques et cherche ce qui reste dans le corps pour ces femmes qui ont vécu des traumatismes.
Vous présentez à Montpellier Danse, Black lights, un spectacle tiré de H24 de Valérie Urrea et Nathalie Masduraud la série d'Arte qui rend compte des violences faites aux femmes au quotidien. Qu’est-ce que cela a suscité chez vous ?
J'avais bien sûr vu la série par épisodes sur Arte. Mais c'est en achetant le livre publié chez Acte Sud que j'ai commencé à avoir l'idée, en lisant les textes. J'avais envie de faire une pièce qui mélange textes et danse. Et en lisant l'ouvrage, je me suis dit, mais ce sont - pas tous, mais certains - des textes de plateau. Il y a beaucoup de texte à la première personne et ils sont assez fluides. Ce n'est pas de la littérature car c'est écrit pour le cinéma. Et je trouvais aussi génial d'avoir plein d'écrivaines. Pour une pièce, j'ai neuf autrices.
Vous avez tout de suite vu comment la danse pouvait s’emparer de ces histoires ? Dans le récit de ces femmes, il est toujours question du corps.
C'est ça justement qui me plaisait. Dans cette question des violences et des traumatismes, c'est qu'est-ce qui reste dans le corps ? Les histoires de ces femmes ont un impact sur le corps. Comment ces femmes vivent avec des corps qui ont été meurtris et comment le corps raconte ces histoires-là ? Même si ce n'est pas un récit parlé, le corps produit du récit en permanence. Je trouvais que c'était intéressant d'imaginer quels corps produisent ces récits. Ce ne sont pas forcément des corps fracassés. Il y a aussi des corps résilients, c’est-à-dire des corps qui ont envie de renaître, qui n'ont pas envie d’être assignés à être victime toute leur vie. C'est aussi comment on vit avec des blessures, mais aussi comment on peut les dépasser et être autre chose que ces blessures-là
La série H24, ce sont 24 récits. Vous n'en avez pas pris autant. Comment s'est opéré le choix ?
C'est la qualité scénique qui m'intéressait avant tout. Il y avait des textes plus littéraires ou poétiques que d'autres. Je pense que je n'aurais pas pu les monter. Et il y avait des textes au présent. Quelque chose de très direct avec le public. Il fallait qu'il y ait une proximité avec le public. Une compréhension directe. Il fallait aussi que chaque récit apporte une nouvelle idée. Il y a quelque chose en crescendo.
C’était important de choisir différents corps, différents âges et sûrement différentes techniques de danse, parce que le milieu de la danse à parfois tendance à uniformiser les corps non ?
La danse a toujours été très normative, même si moi, depuis presque le début des années 1990, j'ai toujours eu des équipes très diversifiées. J'ai eu des artistes africains pendant des années. Ils étaient dans ma compagnie à une époque où personne n'en avait. Pour moi, ce n'est pas nouveau. J'ai l'impression de continuer à défendre ce que j'ai toujours défendu, c’est-à-dire qu'il n'y a pas une norme dans la danse contemporaine de corps qui seraient la norme esthétique attendue mais que beaucoup de corps produisent différentes beautés. Ça va entre 24 ans et un peu plus de cinquante ans. Ce qui est quand même un panel à la fois d'âge, mais surtout de techniques, de pays différents. Il y a en pour qui c'est quasiment leur première pièce, il y a aussi des actrices, des actrices danseuses, et des danseuses. Elles sont toutes très fortes.
Il semble que vous travaillez beaucoup avec les femmes ces derniers temps. C'était encore le cas avec votre dernière pièce Records, ou avec La Ribot pour Please Please Please.
Je me rends compte que c'est beaucoup plus facile de transmettre à des femmes. C'est la cinquième pièce que je ne fais qu'avec des femmes. Mais c'est aussi par facilité. Il y a une identification qui est plus directe. J'écris des choses sur moi, je les transmets. Ça marche bien. Et j'aime beaucoup l'ambiance dans les groupes féminins, car il y a beaucoup d'écoute, de bienveillance, c'est hyperagréable de travailler comme ça. Je ne peux pas dire que je le ferais toujours, mais pour cette pièce, c'était vraiment nécessaire.
Black Lights. Jeudi 22 et vendredi 23 juin à 22 h. Théâtre de l'Agora, Montpellier. Tarif : 5 à 35 €.