La danse plonge dans l'univers des psychotiques "Musica : Bruit blanc", documentaire, Arte, 21h40 Peut-on se rencontrer seulement par le mouvement, le corps ? Oui, répond le film de la chorégraphe Mathilde Monnier et de la réalisatrice Valérie Urréa. La caméra a suivi le travail que la dessinatrice corporelle mène discrètement à l'hôpital psychiatrique de la Colombière à Montpellier. En trois années d'ateliers avec des personnes psychotiques, Mathilde Monnier a rencontré Marie-France Canaguier, jeune femme de 26 ans souffrant d'autisme infantile précoce. "Bruit blanc", journal de cette rencontre, loin des mises en scène qui amplifient la maladie ou la banalisent, n'a rien de spectaculaire : il s'agit plutôt de tentative de danse, de balbutiements de dialogue. Pourtant, tout est étonnant dans cette rencontre de deux intelligences corporelles. Le film n'est centré ni sur la valeur thérapeutique de la danse - ce n'est pas le sujet de Mathilde Monnier - ni sur le pourquoi de sa démarche artistique, car il s'agit bien d'un projet et non d'une animation en milieu hospitalier. Ce que l'on voit, c'est que le corps pèse lourdement, autant dans ses refus que dans ses acceptations de l'autre. Mathilde Monnier parle de "poids archaïque", qui s'oppose à la verticalité et à l'élévation dominant la danse occidentale. On ne sait ce que disent ces deux femmes qui se touchent et se manipulent dans une reconnaissance et une insistance mutuelles, pieds contre-pieds. "Bruit blanc" parle d'un possible laisser-faire entre les corps.

Marie-Christine VERNAY
Libération
14 Avril 1999