Mathilde Monnier Jean-François Duroure Extasis
Mathilde Monnier et Jean-François Duroure ont créé à New York, puis présenté en France la saison dernière, un premier duo Pudique Acide d'une écriture nerveuse et savante. Extasis, créé à la Maison de la Danse de Lyon, reprend ce travail en intensifiant les données. Même invention déchaînée qui galope à travers tous les registres, même insistance à exhiber, comme des cicatrices brûlantes, les traces multiples d'un héritage dont ils sont le lieu de confluence. Cunningham, Viola Farber, François Verret, Pina Bausch sont autant de résonances que leur gestuelle commente, amplifie, digère et brise. Corps-déchets, avatars perdus de la mémoire. Entre absolu et résidu, le mouvement se déchire sur l'obscène. Semblablement habillés, d'abord de kilts écossais, puis de volants froufroutant sous des vestes d'hommes, ils affirment (explicitement) l'âpre existence des anges. Non le partage androgyne, mais le redoublement du sexe. Chacun, dans ce qu'il a d'ambigu, et d'ironiquement retenu, condense en soi la somme de tous les désirs. Jeux de déshabillages, barbouillage sanglant des lèvres du garçon : on rôde, comme chez Pina Bausch, autour de l'Objet, en l'excédant sans cesse. D'où ces échanges de peaux, de mains, de jambes mêlées sous les tulles. Une chair " chauffée " jusqu'à l'épuisement. Les sonorités triviales de Kurt Weill, les paroles (du Brecht berlinois) n'évoquent pas pour rien bordels et steaks tartares : le corps est ramené à sa réalité extrême du côté des " boucheries-bordels " d'Eden, Eden. Que la Vierge Marie survienne sur ces entrefaites explique assez bien le premier titre, abandonné, Sur la marche de Paul Claudel. Mais quoi, ces personnes-là ne livrent pas aussi clairement leurs secrets de fabrication
Laurence LOUPPE
Art Presse - Janvier 1986