Jean-Luc Nancy chez Mathilde Monnier


Unis en cette circonstance, pour le meilleur et pour le pire, Jean-Luc Nancy et Mathilde Monnier ont planché à Pôle Sud à Strasbourg, sur la naissance, l'essence et le sens de la danse. Dès la fin des années 90, Stéphanie Aubin avait déjà fait le coup (de poing) de la "conférence dansée". L'an passé à Pôle Sud, Alain Buffard avait quant à lui invité Laurence Louppe, critique experte, à signer et singer en direct un exposé -un rien réactionnaire- sur l'histoire de l'art contemporain, genre comptant ici pour rien. Bref, coller des longs discours sur trois fois rien de danse est devenu une habitude. Toutes disciplines confondues Les Allitérations données l'autre soir à Pôle Sud par le philosophe-choryphée Jean-Luc Nancy et la danseuse chorégraphe Mathilde Monnier manifestèrent, de ce point de vue, une sensible originalité : les mots et le phrasé, les associations d'idées et autres propositions de l'un n'y ont rien à voir, à première vue, avec l'agitation fotale proposée par ailleurs, de part et d'autre du plateau, par Dimitri Chamblas et Mathilde Monnier, pas plus qu'avec la musique accouchée live par eRikm. Tandis que Nancy interroge la naissance, l'essence et le sens de la danse, tandis que l'électrique DJ traque et truque, ausculte et sculpte l'acoustique tracking de ses sons, les deux autres multiplient coups de pied, coups de tête et coup de poing dans le placenta élastique, 100% latex, de ce qui pourrait être une matrice - l'originel magma de tout art. Toutes disciplines confondues. Le texte de Nancy ne parle pas de la danse de Monnier - rien à voir, si ce n'est qu'il démontre combien il est dur de dissocier nos cinq ou six sens face au spectacle, au festin, à l'opéra mundi des arts dits sensibles. Zapping, donc, du laïus de Nancy aux états de Chamblas et Monnier.

Georges CAZENOVE
Dernières Nouvelles d'Alsace - 24/01/2003