Comment danser tout en refoulant la sexualité ? C'est ce que démontre, avec humour, Mathilde Monnier dans " Signé, Signés ", sa nouvelle chorégraphie en deux parties. " Certaines situations de l'enseignement de la danse sont à mourir de rire, raconte Mathilde Monnier. La danse est l'expression de la sensualité mais il ne faut surtout rien montrer de la sexualité. Par exemple, on a peur que les hanches bougent et les enseignants montrent les parties du corps avec un doigt ou un bâton pour ne pas toucher l'élève. L'enseignement de la danse, même contemporaine, est très codé. C'est rocambolesque. " Mourir de rire La directrice du centre chorégraphique national de Montpellier a utilisé ses souvenirs et ceux de ses danseurs pour créer Signé, Signés. Un spectacle en deux parties : Signé, plus personnel, rappelle l'enseignement qu'elle a reçu du grand chorégraphe américain Merce Cunningham dans les années 80 : " Ce n'est pas un hommage, mais plutôt une sorte de dédicace. " Cette première partie a été créée au festival de Vienne, l'année dernière, mais complètement retravaillée pour Montpellier. " Parce qu'une pièce sur Cunningham n'est jamais finie. Il est toujours un de mes maîtres, la référence absolue. Il m'a apporté l'intelligence du corps et la liberté. Il a libéré la danse du joug de la musique, de la narration et lui a donné un sens par elle-même. Il a utilisé toutes les possibilités du corps : il l'a désynchronisé en donnant à chaque partie la même valeur. En particulier au dos. Pour lui, il n'y a pas que le pied, la jambe et le bras comme dans la danse classique. Sa façon d'enseigner est particulière : il montre et ne corrige quasiment jamais. C'est en le voyant travailler qu'on comprend le niveau qu'on doit atteindre. " Sexualité refoulée Signés, la deuxième partie de la chorégraphie, a été conçue avec les interprètes du spectacle à partir des souvenirs de leurs années d'études. C'est là que se pose la question de la sexualité dans la danse : comment elle est travestie, bridée, refoulée. Même si la danse contemporaine est quand même moins coincée. " On joue avec humour des tabous de l'enseignement qu'on a reçu : on s'amuse de notre propre histoire et on déconstruit notre apprentissage. " Dans Signé, Mathilde Monnier danse. Et c'est rarissime : " Parce que je ne peux pas être à tous les postes à la fois : directrice du centre, enseigner, monter des projets et créer deux chorégraphies par an. La danse demande une disposition totale, sans concession, incompatible avec la direction d'un centre. J'ai choisi de ne plus danser et je ne le regrette pas. " Nous, si.
Ghislaine ARBA-LAFFONT
La Gazette
Du 9 au 15 Mars 2001