Deux réalisations récentes ont replacé la chorégraphe montpelliéraine sous les feux de l'actualité : un document et une chorégraphie, les deux pièces étant étroitement liées par une réflexion sur le sujet qui excède les limites imposées. "Bruit blanc", d'un côté, est le film qu'a conçu Mathilde Monnier avec la réalisatrice Valérie Urréa, pour exposer un état de recherche sur l'autisme : un travail mené en collaboration, depuis plus d'un an, avec l'association Val d'Aurelle à Montpellier. Présenté sur Arte, dans le cadre de l'émission Musica, ce n'est ni une fiction, ni une enquête sur le parcours chorégraphique, mais l'exposé d'une expérience. Aucune prétention scientifique là-dessous. Il s'agit avant tout de saisir ce qui se trame derrière la figure du danseur. Marie-France, une jeune autiste de 27 ans, étant, dans le film, la référence ultime de l'emprisonnement qui la guette dans la muette solitude de son corps. Au fil des leçons qu'a pensées pour elle la chorégraphe, on découvre une réalité, certes difficile, mais jamais regardée avec voyeurisme. On perçoit ainsi l'éveil d'une sensibilité et d'une complicité fondées sur le don de soi réciproque, plutôt que l'on n'arrive à la représentation d'un prédicat. Témoignage étonnant, cependant : "le sujet" constitue, là, sous nos yeux, dans le rapport de son corps à l'Autre. Semblable perspective dans la deuxième partie des "Lieux de là", présentée à Montpellier et au Théâtre de la Ville à Paris, avant Avignon, mais cette fois-ci conduite avec les danseurs. Après "les non lieux" où dominaient l'éclatement, la rupture, l'impossibilité du rapport à l'autre, "dans les plis confronte l'individu au collectif. S'inspirant de l'écrivain Elias Canetti - dans son livre "Masse et puissance" - la chorégraphe pousse à bout les frontières de l'individualisme. Instruisant en amont un travail d'improvisation où les interprètes ont donné beaucoup d'eux-mêmes, elle donne à voir des phénomènes d'attirance et de répulsion. Masse honnie et, dans le même temps, indispensable à l'exercice d'une démocratie. Solitude recherchée, ouvrant sur l'élan hors de soi ou, au contraire, se repliant sur l'inavouable. Jamais véritablement satisfaisante quand les points d'appui ne sont que matière ou informes. "Le sujet" se constituant forcément dans le social, il livre aussi, dans ce spectacle, des désirs de tendresse et de fraternité auxquels les costumes colorés de Dominique Fabrègue et la musique orientalisante d'Heiner Goebbels apportent un contrepoint en sensualité.

Lise OTT
Regard
1er Mai 1999