Durant 3 soirs, la magnifique scène des 13 vents sera occupée par les danseurs de Mathilde Monnier. Ils danseront, pour la première fois à Montpellier, les 3 courtes pièces chorégraphique qui composent la pièce globale intitulée " les lieux de là ". Le titre peut sembler bizarre, mais peut mieux se comprendre si l'on explique les sujets des 3 pièces qui la composent. Dans la première, " les non lieux ", Mathilde Monnier voulait parler des espaces complexes qui se dessinent entre les individus à l'intérieur d'un groupe. Il s'agit d'espaces de la pensée, évidemment, où l'on n'est plus tout à fait soi-même. Ces pensées ont des effets sur nos corps, sur nos façons d'aller à autrui. La seconde pièce (intitulée " dans les plis ") parle du groupe et la figure chorégraphique qui en émerge est un tas. On dirait, vu de loin, une masse informe de SDF, une partouze au ralenti, ou encore les naufragés de la Méduse. La troisième pièce est intitulée " quelque part, quelqu'un " et traite de l'extraction hors du groupe par un individu. Les espaces plus traditionnels du solo s'y renouvellent. Chacune des pièces élémentaires a été conçue dans des périodes successives, où Mathilde Monnier, ainsi que son groupe de danseurs ont beaucoup évolué psychiquement. La Compagnie en tant que telle a été supprimée, pour aller vers un usage du Centre chorégraphique où chaque individu devenait un créateur à part entière et pas un employé. Mathilde Monnier, de plus, sortait là d'une période où ses créations parlaient d'enfermement intérieur. Pour aller vers des idées plus ouvertes sur le monde. L'espace scénique s'en est trouvé modifié. Depuis, chez elle ou plutôt dans ses ouvres, il n'est plus ni frontal, ni circulaire. Il est disons latéral, comme si l'on observait, comme spectateur, sur la tranche. Comme dans un gâteau des rois : la fève en devient apparente. Les gestes des danseurs en gagnent en chaleur et on découvre qu'il s'agit de virtuoses gorgés de cour, là où parfois, auparavant, on voyait des robots. Un musicien fou (Heiner Goebbels) a participé à l'affaire et il a plaqué sur l'objet une musique comme on n'en a pas entendue depuis longtemps sur un plateau de danse. Un machin aussi fluide et aussi juteux en son que du Coltrane ! Ce qui fait que dès le premier accord, on est scotché. Pour voir une drôle d'histoire où les danseurs se battent, s'entremêlent, se jettent, se mélangent. Comme une soupe primitive. Comme la danse de la biologie, un Sacre du printemps du nouveau siècle. Quelle chance ont les montpelliérains : une scène de rêve, des danseurs de rêve, une chorégraphe de rêve. Pourvu que ça dure !
Jean-Marc DOUILLARD
L'Hérault du Jour
Mardi 27 Novembre 2001