La danse peut-elle s'attabler sans risquer de gaver ses convives ? Devient-elle monotone à force de répétitions ? Non, depuis que Mathilde Monnier, directrice du Centre chorégraphique national de Montpellier, a mis sur pied une sorte de conférence dansée ludique, d'atelier in situ et in visu, Allitérations. Déjà, l'an dernier, on avait pu goûter à ce jeu de mots et de gestes pour approcher une certaine réalité, hors du cadre plus conventionnel du spectacle. Ici, dans Allitérations, il y a bien représentation et acteurs, mais il s'agit surtout de suivre ce qui va de l'un à l'autre des six participants. Soit donc, un philosophe, Jean-Luc Nancy, qui a déjà échangé des mails avec Monnier (1), trois danseurs, Laurent Pichaud, Dimitri Chamblas et Seydou Boro, un compositeur, erikm, et une hôtesse, Monnier en personne. Soit aussi le visiteur qui passe du texte au son, du son au mouvement. A chacun, alors, sur scène ou dans la salle, d'aller de l'un à l'autre, par le contact direct, la tangente, l'écho, la contradiction, la redondance, etc. Rien de démagogique ou de trop pédagogique dans cet exercice de style. La gymnastique intellectuelle est relaxante, surtout lorsqu'on connaît la malice des intervenants. Pour ces nouvelles Allitérations, le jeu pourrait démarrer sur cette proposition du causeur Jean-Luc Nancy : "Admettons cette représentation courante que chacun des arts répond à une région des sens. Cette représentation est d'une extrême fragilité, tant il est délicat de distribuer, voire de différencier les arts." Au spectateur de jouer. (1) Dehors la danse, éd. Rroz.

Marie-Christine VERNAY
libération
jeudi 10 avril 2003