L'occasion de découvrir l'immense champ exploratoire de cette chorégraphe autrement qu'à travers les scènes géantes des grands théâtres est bien trop rare. Produisant Les lieux de là au Théâtre de la Ville à Paris en avril dernier (spectacle repris au festival d'Avignon), la directrice du Centre chorégraphique national de Montpellier en avait profité pour convoquer dans la foulée ses danseurs aux Laboratoires d'Aubervilliers, pour deux soirées dites " fantaisies ". Ce fut l'occasion de se rappeler que la danse n'est pas qu'affaire de spectaculaire et d'image, que les corps qui dansent sont aussi des machines comme les nôtres, avec des artères, des muscles qui souffrent, un cour qui accélère si on le sollicite, un souffle qui peut se couper. Pour appréhender toute cette dimension du spectacle très justement nommé vivant, il faut savoir organiser sa diffusion différemment. L'espace de jeu doit être à la portée du spectateur, on doit pouvoir suer avec les danseurs, sentir les odeurs des mouvements. Mathilde Monnier aime à citer le Larousse pour nous préciser que la fantaisie nous vient du grec phantasia, apparition, créativité libre et imprévisible. La reprise de ces formes, petites par le nombre de danseurs engagés et la durée des créations, et grandes par la danse qui s'y (dé)montre, est une occasion d'émotions de proximité qu'il ne faut pas rater. La soirée est aussi riche de la diversité des propositions d'interprètes, à l'image de l'humour du grand Lluis Ayet et de la petite Rita Quaglia ou de la tension répétitive de 1er décembre, un splendide duo dansé par Bertrand Davy et Mathilde Monnier elle-même.


Les Inrockuptibles
Juin 1999