Reporté au mois de janvier, le très beau Records de Mathilde Monnier revient à Chaillot pour quatre nouvelles représentations.
Records fut créé par Mathilde Monnier au cœur des divers confinements et présenté pour la première fois en octobre 2021. Las, nous n’en avions pas fini de la pandémie puisque la maladie d’une des danseuses poussait la chorégraphe à la remplacer à Chaillot avant que les dernières représentations ne soient reportées. C’est ainsi que le public a à nouveau la chance de découvrir cette pièce ciselée et paradoxale. Paradoxale car si son auteure écrivait qu’elle est « une traversée par le geste et par les voix des états de corps pris dans cette période récente de la pandémie », elle célèbre un retour à la liberté bien plus qu’elle ne constate l’enfermement passé. Paradoxale également car si les personnalités de ses six interprètes y sont largement soulignées, ce que l’on en retient est leur évidente complicité, leur réjouissante sororité.
Communion de mouvements individuels
Sur un plateau nu et blanc dont se détache en fond de scène un mur immaculé que surplombe un écran empli d’un ciel changeant, la chorégraphie joue l’épure. Six danseuses vêtues d’un simple jean et de baskets colorées entrent une à une, passent du sol à la verticale, déploient tout en connivence leurs mouvements individuels. Lorsqu’elles prennent des poses de combat dignes de comics cela n’est qu’espièglerie frondeuse, lorsque de concert elles tapent du pied sur le mur c’est leur énergie et le rythme qu’elles martèlent. Ces pulsations répétées comme par moments leurs voix viennent interrompre une partition composée d’un aria de Luigi Nono interprété par Barbara Hannigan et d’un morceau de The Comet Is Coming, qu’accompagnent des bruits marins. Tout ceci nous transporte sur une plage où se promènerait Jane Birkin, elle aussi torse nue dans son jean, susurrant des « blop » et des « wizz ». Records a la vitalité joyeuse des retrouvailles mais aussi le doux parfum nostalgique de vacances adolescentes.
Delphine Baffour
Publié le 27 mars 2022 - N° 298