danse : dans les pas à ressorts de monnier et duroure


Deux faux jumeaux se croisent devant leur garde-robe et s'habillent en kilt avant d'oser le tutu long sous l'imperméable beige. Fille d'un côté (qui se sent un peu mec), garçon de l'autre (qui joue au mec), ils se ressemblent, s'assemblent pour mieux trancher dans le vif de leurs différences.
Avec Pudique acide, puis Extasis, duos montés sur ressorts, les danseurs Mathilde Monnier et Jean-François Duroure devenaient chorégraphes. C'était en 1984. Etudiants à New York, ils se retrouvent dans un studio et jettent leur gourme dans un numéro de danse, vitale comme un ballon d'oxygène. Envie d'être soi-même, de tout envoyer valser - en particulier la raideur de l'abstraction américaine -, coup de blues aussi, ils foncent en écoutant les tubes de la vieille Europe, ceux de Kurt Weill (1900-1950) qui ont bercé la chorégraphe allemande Pina Bausch, avec laquelle Duroure commençait à travailler.

LIBERTÉ SANS COMPLEXE
Au Théâtre de la Cité internationale, à Paris, dans le cadre du Festival d'automne, Monnier-Duroure ont cédé la place à Sonia Darbois et Jonathan Pranlas. Si l'aiguillon intime a perdu de son acuité - le jeu de genres semble plus décoratif que profondément urgent et c'est logique -, l'invention de la danse emporte le morceau. Sa liberté surtout, sans complexe, frondeuse mais strictement outillée techniquement, fait mouche.
Non contents d'opérer un remixage de leurs apprentissages - ils sortaient du Centre national de danse d'Angers -, Monnier-Duroure les passaient à la moulinette d'un humour burlesque qui fait cousiner la danse contemporaine avec le cabaret. Le "plus" de cette éruption très écrite : raconter des petites histoires sur les difficultés d'être soi, de se confronter aux autres tout en se risquant hors de son périmètre d'action.
Mais la fantaisie de ces duos ne serait rien sans une violence secrète. Elle explose à la fin d'Extasis. Une femme en voile de mariée se heurte à un homme à la bouche trop rouge. La course endiablée cède la place à une quête existentielle éperdue. Avec toujours le même moteur : la sincérité. Intemporelle, celle-là.

rosita boisseau
le monde - 17 octobre 2011