Une chorégraphe, au sens large
La chorégraphe a accepté de répondre à nos questions à l’issue de la deuxième représentation de frère&sœur au Centre Pompidou. Elle nous livre sa vision élargie de la danse, un art qu’elle souhaite en voie de démocratisation.
Avec frère&sœur, vous élaborez une réflexion sur la fraternité au sens large, incluant les notions d’identité, de communauté de destin. La danse représente-t-elle pour vous une forme d’engagement ?
La danse a toujours été un engagement. C’est d’abord un engagement physique. Vous pouvez le voir sur le plateau. La première réponse est donc que le corps lui-même est déjà un engagement. Mais ça n’est pas seulement un engagement d’énergie. C’est aussi un engagement mental. Ces deux approches sont indissociables. Il ne faut pas que la danse soit une dépense gratuite mais une dépense au service d’une idée.
Vous êtes une figure reconnue de la danse contemporaine, milieu auquel le grand public reste relativement hermétique. La médiatisation est-elle une récompense de votre travail et de votre motivation ?
Je ne sais pas si je suis très médiatisée, je ne m’en rends pas compte. Ce qui m’importe, c’est qu’un public plus large puisse voir les spectacles de danse. Cela passe par des spectacles qui tournent pas mal. Je ne veux pas me cantonner à un public d’initiés. Je tiens à ce que la danse touche un public à la fois plus jeune et plus vieux, plus ouvert en tout cas.
Y a-t-il des artistes qui se détachent pour vous, aujourd’hui, dans le milieu de la danse contemporaine et de la danse en général ?
Oh plein ! Il y a beaucoup d’artistes que j’aime bien. Ca va de Boris Charmatz à Jérôme Bel. Il y a aussi tout un tas de jeunes chorégraphes qui commencent comme Rémy Héritier, Filiz Sizanli. Il y a aussi des gens qui travaillent dans la musique, comme Erikm avec qui je collabore pour frère&sœur, un compositeur relativement jeune qui commence à être très reconnu.
Qu’est-ce qui est déterminant dans le choix de vos interprètes ?
Ce qui compte beaucoup, c’est leur tempérament, leur faculté de m’apporter de nouvelles visions de mon travail. Leur aspect critique m’importe aussi. J’aime bien que mes danseurs soient des gens qui aient certes un niveau de danse, mais qui soient aussi dans la déconstruction de leur propre travail.
Votre carrière est marquée par le croisement des arts (la danse, la musique, le théâtre, la littérature...). De quelle façon la danse est-elle reliée aux autres arts ?
La danse est assez bâtarde dans sa forme, ce qui lui permet d’assimiler les formes, de les absorber. Ca peut effectivement aller de la musique contemporaine, au rapport à l’image, au texte, aux arts plastiques... Elle les absorbe et elle s’en sert en même temps comme d’autres outils. C’est une grande chance parce qu’elle n’est pas coincée dans des carcans. La danse est toujours en recherche. C’est cela qui m’intéresse : élargir le champ des possibles.
Plus précisément, comment avez-vous procédé pour intégrer la littérature à la danse ? Comment s’est déroulé votre travail sur l’œuvre de Christine Angot et votre collaboration avec l’écrivain ?
En fait je n’intègre pas la littérature, j’intègre un texte de Christine. C’est quelqu’un dont j’apprécie le travail et qui aime travailler sur un plateau, qui connaît ce milieu et qui y a une très forte présence. On a déjà travaillé ensemble. Je pense que c’est un texte qui a aussi besoin d’être entendu. Il y a des travaux en littérature qui sont faits pour être lus chez soi. Mais il y a aussi des écrivains qui écrivent pour être entendus. C’est le cas pour l’écriture de Christine.
Quels sont vos projets de création et vos éventuels projets humanitaires ?
J’ai un projet de spectacle musical pour février avec Philippe Katerine, le chanteur, qui était dans la salle ce soir. Mes autres projets ? Continuer à accueillir de jeunes artistes, à produire. Je voudrais faire un travail davantage sur la production.
Propos recueillis par Céline Laflute
Evene.fr - 23/11/2005