La chorégraphe Mathilde Monnier représente la mort en mouvement

MUSIQUE : Rodolphe Burger « Mathilde Monnier m'a demandé une musique, ainsi qu'à Heiner Goebbels, Gilles Sivilotto et eRikm. On s'est vu à Paris, elle m'avait apporté plusieurs textes du poète John GiornoLondon River Drame....

DANSE : Sa nouvelle création, "Pavlova 3'23''", évoque les vanités en peinture. Présentation au CCN de Montpellier du lundi 12 au vendredi 16 octobre

On sent que ce spectacle, qu'elle peaufinera jusqu'au dernier moment, lui tient particulièrement à coeur. « C'est une pièce importante. Je l'ai voulue simple et directe, pour que le public comprenne ce que j'ai fait. J'ai parfois créé des pièces compliquées, avec des objets abscons. Mais cette fois, j'ai envie que l'on puisse s'en emparer » , explique Mathilde Monnier qui présentera Pavlova 3'23'', à partir de lundi, au Centre chorégraphique national (CCN) de Montpellier Languedoc-Roussillon qu'elle dirige, dans le cadre de la saison Montpellier Danse.
Le titre de la pièce évoque la mythique Mort du cygne de Fakine, trois minutes et une poignée de secondes que dansa Anna Pavlova à sa création en 1907. Son abstraction et la large place laissée à l'improvisation marquaient
une rupture dans l'histoire de la danse : « C'est la modernité qui surgit » , dit Mathilde Monnier.
La danse a peu exploité ce thème de la mort, sans doute parce qu'il contredit l'idée de mouvement. La peinture beaucoup plus et les vanités, natures mortes lugubres en vogue dans la Hollande du XVII e siècle, restent pratiquées par les artistes contemporains. « Ma pièce est une vanité » , insiste la chorégraphe qui parle aussi de « pièce picturale » .
Mathilde Monnier, qui a perdu ses parents très jeune, voit ainsi la mort qui la rattrape : « J'y pense beaucoup, de manière abstraite. » La disparition, cette année, de Pina Bausch et de Merce Cunningham, alors que Pavlova 3'23'' était déjà en chantier, a encore accentué son intérêt pour ces questions : « Que laisse-t-on quand on part ? Et comment, toute sa vie, prépare-t-on ce moment ? » Elle y répond notamment par la transmission de son savoir à ses élèves danseurs, une « partie constitutive » de son travail.
Avec la mort et ses abords (les dernières minutes, la disparition, la résurrection), on craint que le pathos batte son plein. Mathilde Monnier s'en prévient en recourant à la poésie, à la drôlerie, à la joie parfois, à une musique originale aussi : La Mort du cygne de Saint-Saëns y est revisitée par Gilles Sivilotto, Heiner Goebbels, eRikm et Rodolphe Burger (lire ci-contre) , tous amis de la chorégraphe : « J'avais besoin d'être entourée. » Enfin, parmi les neuf interprètes, une danseuse chantera Mourir sur scène de Dalida, sans ironie aucune, aussi sincèrement que possible. Parce que, comme Mathilde Monnier l'observe : « On travaille tous à mourir sur scène. »


Eric DELHAYE