"Tempo 76" sonne l'unisson
Le nouveau spectacle de Mathilde Monnier démonte le procédé scénique avec un malin plaisir.
Jusqu’ici la danse contemporaine s’était tenue loin de l’unisson. Elle avait même en horreur ce procédé d’écriture plutôt simpliste, idéal pour occuper un corps de ballet classique. La directrice du Centre chorégraphique national de Montpellier, Mathilde Monnier, s’en empare dans sa nouvelle création, Tempo 76 (1), avec la ferme intention de lui régler son compte, tout en affichant une certaine fascination pour cette forme . Avec, heureusement, une bonne dose d’humour en plus.
Le plateau est une pelouse véritable de deux tonnes. Le moindre brin d’herbe y est peigné, et des ouvertures et des caches permettent de découper l’unisson.
Tout d’abord en chemises blanches, cravatés, les neuf danseurs font grise mine. Etudiants attardés, promis aux grandes écoles, ils déboulent comme un vent de tristesse. Appliqués, ils servent une partition qui emprunte à György Ligeti et aux sons les plus métronomiques, dans l’univers sonore signé Olivier Renouf. Un pas de traviole et toute la belle harmonie peut en pâtir.
Taupes. Bref, ils dansent ensemble, au millimètre près, sur le Tempo 76, et ce n’est pas une sinécure. Mais si toutes les règles sont respectées à la lettre, quelque chose cloche déjà : ils n’ont pas le même âge, ni la même taille, ni les mêmes origines. C’est un drôle de bataillon, et Mathilde Monnier a beau les mener à la baguette, ils ne sont vraiment pas faits pour entrer dans le rang. La chorégraphe aurait dû y penser plus tôt, les discipliner pour un vrai défilé plutôt que de les laisser vagabonder à leur aise dans des spectacles antérieurs fort mal tenus.
Et comme l’uniforme du parfait aspirant au poste de directeur est remplacé par des kilts et des tee-shirts rouges et verts, il n’est plus possible de tenir les troupes. En fond de scène passent encore quelques majorettes échappées d’une troupe du dimanche. Une chorale tente de se constituer, mais elle demeure muette. On gît sur la pelouse pour vanter les mérites du corps nature, gymnique. Mais ça ne veut pas prendre. Tout s’enraye lamentablement. A force de brouter l’herbe, de fumer la moquette, les danseurs sont pris de crises de larmes, de fous rires. La pelouse elle-même participe au délire cacophonique. Elle se soulève par endroits, comme si des taupes venaient s’enquérir de tout ce charivari. Sans compter que des ballons explosent, que les danseurs roulent à terre. C’est fichu. Le défilé est raté.
Peps. Dans la veine du précédent spectacle avec le chanteur Katerine, 2008 vallée, Tempo 76 a beaucoup de peps. Ce n’est peut-être pas la Mathilde Monnier que nous préférons, plus sauvage et cinglante, mais on passe un agréable moment. En espérant que l’unisson ne devienne pas justement une forme de référence pour mieux organiser la danse en défilé. Ce qui, malheureusement, est dans l’air du temps.
(1) Le spectacle sera présenté du 9 au 13 octobre au théâtre de la Ville, à Paris, dans le cadre du festival d’Automne.
MARIE-CHRISTINE VERNAY
libération
jeudi 28 juin 2007