Festival d'Avignon : Katerine dans la Cour d'honneur, c'est "borderline"


Louxor, j'adore, Borderline... Philippe Katerine interprètera trois soirs de suite, de jeudi à samedi, ses "chansons chorégraphiées" par Mathilde Monnier, dans un lieu inattendu et décalé pour ce dandy branché : la Cour d'honneur du Palais des papes d'Avignon.

2008 vallée clôturera le 62e Festival d'Avignon sur une note jeune voire populaire, faisant entendre dans le vaste théâtre de plein air (2000 places) une petite musique bien différente de L'Enfer de Romeo Castellucci et du Hamlet de Thomas Ostermeier qui viennent d'y être donnés.

Est-ce Vilar (fondateur du festival) qu'on assassine en donnant entre ces murs un tel "concert dansé", objet visuel et sonore non identifié ? La Cour en a vu d'autres, notamment avec Mathilde Monnier, qui y revient trois ans après y avoir fait ses débuts avec frère&soeur, pièce alors fraîchement accueillie.

Aujourd'hui, la chorégraphe confie dans un entretien réalisé par le festival retourner dans ce lieu parfois jugé intimidant "avec beaucoup d'innocence", estimant que "le danger de la Cour est d'en revenir toujours à ses fantômes".

L'endroit n'évoque en revanche "rien du tout" pour Philippe Katerine, parfait novice ici, où il veut ne voir "ni un fétiche, ni un symbole, ni une histoire", préférant "ne pas (se) faire d'idées préconçues".

Philippe Katerine et Mathilde Monnier étaient faits pour s'entendre. Lui, avoue dans et hors de sa musique une curiosité qui s'illustre singulièrement dans le cinéma (Peau de cochon, autoportrait en 2004). Elle, dialogue souvent avec d'autres personnalités (comme l'écrivain Christine Angot) depuis son arrivée en 1994 à la tête du Centre chorégraphique national de Montpellier.

C'est logiquement à quatre mains que ces deux artistes règlent, avec 2008 vallée, une "pièce pour sept chanteurs-danseurs" qui a déjà pas mal tourné depuis sa création en février 2006.

Sa matière puise dans l'album Robots après tout (Barclay), où Katerine manie la séduction d'une chanson électro-pop et des échappées loufoques à partir de scènes et banales pensées du quotidien.

La scénographie est d'une grande sobriété : un revêtement jaune sur fond noir nu comme un espace lunaire, qui s'avèrera finalement gonflable, sans doute pour illustrer la tempête et les vagues dans lesquelles se débattent corps et âmes avant le reflux.

Livrés à eux-mêmes, le chanteur, la chorégraphe et leurs cinq comparses portent, commentent en choeur et malmènent, par le geste et la voix, la parole katerinienne. Il est question de conflit entre l'individu et le groupe, de la difficulté d'être et de vivre, ce que Katerine évacue plus ou moins élégamment par l'absurde.

Le dandy vendéen en sous-pull pratique l'art de la surprise en testant en funambule les limites du politiquement correct, comme dans le morceau Le 20.04.2005. Ce jour où, voulant suivre une blonde désirable dans la rue, il s'aperçoit qu'il s'agit de... Marine Le Pen, qui à son tour le poursuit. Au même moment, les autres s'adonnent à un décoiffant ballet de chevelures.

Lors de la présentation du spectacle à Paris en 2006, Mathilde Monnier et ses danseurs n'avaient pas la présence et l'éloquence potaches de Katerine, et leur proposition chorégraphique, une heure durant, n'échappait que rarement à l'anecdote et à la facilité. Mais peut-être l'âme de la Cour d'honneur transcendera-t-elle les interprètes, jeudi à la nuit tombée.
 

AFP . 21/07/2008