Quand la danse revisite la ville

En faisant danser ensemble des jeunes enfants, des séniors et des gymnastes, Mathilde Monnier va au-delà de l’expérimentation. Elle fait de la ville une scène, et des habitants, des citoyens qui dansent.

Mathilde Monnier fait rêver toute une ville. La ville est-elle aussi un sujet pour la danse ? Pas impossible avec la dernière création de Mathilde Monnier, présentée dans le cadre des Hors Séries du centre chorégraphique, au studio Bagouet, les 18 et 19 novembre derniers. Sous le titre Maquette city, la chorégraphe propose « un modèle réduit » de la mise en scène qu’elle signe pour le compositeur allemand Heiner Goebbels, dont l’œuvre intégrale, Surrogate cities, sera interprétée en février 2008, à Berlin, par le philharmonique de Berlin. Cet opéra, créé en 1994 à Francfort, jouit depuis d’une réputation hors pair pour oser rassembler orchestre et table de mixage. Sur le thème des villes, il touche à tout : peintures, architectures, sons, et textes d’auteurs, comme Kafka, Calvino, Paul Auster et Hugo Hamilton. 96 musiciens et 120 artistes amateurs et professionnels y participeront. Pour Montpellier, Maquette city est un projet avant tout humaniste qui rassemble petits et grands, jeunes et moins jeunes. En tout, soixante personnes, dont des membres de l’atelier « danse de salon » du club Jeanne Galzy Age d’or, ceux de Montpellier Université Club section gymnastique, et les 20 élèves des classes de CM1 et CM2 de l’école Robert-Fournier de Saint-Jean de Cornies. Mathilde Monnier avait rêvé d’un tel projet, depuis l’âge de 14 ans, lorsqu’elle écrivait des chorégraphies pour des personnes âgées dans des maisons de retraite, avec six copines.

Le solitaire a toujours le dessous
« C’est un immense cadeau », se réjouit-elle. Cela ne l’est pas moins pour Thibaut Kaiser, directeur et enseignant à l’école Robert-Fournier : « En ville, c’est clair, les enfants ont un regard neuf et surtout, ils ont compris que la danse, c’est de la pensée ».
Lors des représentations montpelliéraines, bel enthousiasme aidant, chacun s’est élancé sur scène comme dans un territoire à soi. « Dans les rapports de pouvoir au sein de la ville, le solitaire a toujours le dessous. En m’appuyant sur ces propos, j’ai décidé de faire coexister dans la mise en scène différentes représentations de la ville selon deux axes. Le premier repose sur l’imaginaire des enfants. Le second se nourrit des représentations de plusieurs groupes de personnes (groupes sportifs, groupes de jeux…) censés représenter différentes couches sociales organisationnelles et autonomes », précise Mathilde Monnier. Alors, on dessine au sol, on avance en ordre dispersé, on construit sa représentation de la ville avec des boîtes en carton de sucre, biscuits, céréales, passant ainsi allègrement du règne du petit déjeuner à l’aire de danse. Surprenant. Mais pas moins que la partition. Auteur de la musique des Lieux de là, création de Mathilde Monnier en 1999, Heiner Goebbels joue dans Surrogate cities « d’une perspective hautement subjective. Il s’agit, de construire quelque chose qui se confronte au public pour qu’il réagisse, en découvrant dans la musique un espace où il peut entrer complètement avec ses propres associations d’idées ». Vue sous cet aspect, une ville est un monde dont chacun est le citoyen. Ce n’est peut-être pas qu’une utopie.

Harmonie
Janvier 2008