Katerine danse avec Mathilde

 

«Vallée» ou l'enthousiasmante collaboration de Philippe Katerine, chanteur à succès, et de la chorégraphe Mathilde Monnier

 

Ils s'étaient juré d'abandonner ce spectacle pourtant réclamé de toutes parts, afin de pouvoir mener à bien d'autres projets. Ils ont été vaincus par le succès. Et voilà que «Vallée», de Mathilde Monnier et Philippe Katerine, termine son parcours en beauté dans la cour d'honneur du Palais des Papes, rebaptisé pour l'occasion «Vallée 2008».

La rencontre de la chorégraphe et du chanteur est à marquer d'une pierre blanche. C'est lui qui a jeté son dévolu sur elle. «J'avais vu deux spectacles de Mathilde qui évidemment m'ont déterminé à lui demander de travailler avec moi. C'est aussi que la danse contemporaine en France me paraît autrement plus radicale et ouverte que ne l'est le monde de la chanson, frileux et replié sur lui-même.» Pour la chorégraphe, la proposition était aventureuse, sinon périlleuse : «Je me disais au début que ça ne marcherait pas s'il me fallait faire juste une série de clips avec des danseurs, des clips un peu lyriques, vaguement chorégraphiés dans le genre rigolo; la danse dans un coin, la chanson dans l'autre, comme la justification arty d'un album de mélodies. Mais là, ça s'est révélé différent. Tout d'abord, j'aimais beaucoup le disque de Philippe, j'étais très intriguée parce qu'il a des choses intéressantes à dire qui priment sur la musique, qui ont leur poésie.»

De cette collaboration est né l'aimable délire de «Vallée», parodie du monde de la variété colorée de réflexions éthiques plus graves. Et si les textes sont parfois salaces, ils sont dits et mis en scène sur un tel ton, dansés avec une telle distance, que les plus vertueux ne songeraient pas à s'en offusquer. Sacré personnage que ce Philippe Katerine. Il a trouvé en Mathilde Monnier une partenaire à sa mesure qui se fait sa complice avec cinq autres danseurs aux prises avec une gestuelle déjantée. Au milieu d'eux, il se démène comme un démon pendant que Monnier se fond derrière lui comme une ombre. «Je voulais le suivre, le soutenir, m'identifier à lui, me faire son ange gardien, dit-elle. Il est tellement attendrissant qu'on a envie de l'étreindre.» Et lui de rétorquer : «Pour moi qui suis assez narcissique, c'est très important d'être observé ainsi. Je sens sa présence, son regard sur moi. Elle ne se moque pas de mes faiblesses quand je danse.» Car il ne fallait surtout pas conformer Katerine à un style qui ne soit pas le sien, lui imposer des figures qui auraient coupé court à son naturel. «Je l'ai d'abord abandonné à lui- même, avoue sa partenaire. Puis, en dialoguant avec lui, en lui montrant ses blocages, ceux-ci se sont peu à peu estompés. Philippe a compris comment aborder la danse et d'un coup s'est libéré. C'est alors que nous avons travaillé des formes qui lui permettent d'être ce qu'il est.»

Du 24 au 26 juillet. Festival d'Avignon; 04- 90-14-14-14.



Raphaël de Gubernatis

Le Nouvel Observateur

24/07/08