Katerine danse avec Mathilde
«Vallée» ou l'enthousiasmante collaboration de Philippe Katerine, chanteur à succès, et de la chorégraphe Mathilde Monnier
La rencontre de la chorégraphe et du chanteur est à marquer d'une pierre blanche. C'est lui qui a jeté son dévolu sur elle. «J'avais vu deux spectacles de Mathilde qui
évidemment m'ont déterminé à lui demander de travailler avec moi. C'est aussi
que la danse contemporaine en France me paraît autrement plus radicale et
ouverte que ne l'est le monde de la chanson, frileux et replié sur
lui-même.» Pour la chorégraphe, la proposition était aventureuse, sinon périlleuse : «Je me disais au début que ça ne marcherait
pas s'il me fallait faire juste une série de clips avec des danseurs, des clips
un peu lyriques, vaguement chorégraphiés dans le genre rigolo; la danse dans un
coin, la chanson dans l'autre, comme la justification arty d'un album de
mélodies. Mais là, ça s'est révélé différent. Tout d'abord, j'aimais beaucoup le
disque de Philippe, j'étais très intriguée parce qu'il a des choses
intéressantes à dire qui priment sur la musique, qui ont leur
poésie.»
De
cette collaboration est né l'aimable délire de «Vallée», parodie du
monde de la variété colorée de réflexions éthiques plus graves. Et si
les textes sont parfois salaces, ils sont dits et mis en scène sur un
tel ton, dansés avec une telle distance, que les plus vertueux ne
songeraient pas à s'en offusquer. Sacré personnage que ce Philippe
Katerine. Il a trouvé en Mathilde Monnier une partenaire à sa mesure
qui se fait sa complice avec cinq autres danseurs aux prises avec une
gestuelle déjantée. Au milieu d'eux, il se démène comme un démon
pendant que Monnier se fond derrière lui comme une ombre. «Je voulais le suivre, le soutenir,
m'identifier à lui, me faire son ange gardien, dit-elle. Il est tellement attendrissant qu'on a envie de
l'étreindre.» Et lui de rétorquer : «Pour moi qui
suis assez narcissique, c'est très important d'être observé ainsi. Je sens sa
présence, son regard sur moi. Elle ne se moque pas de mes faiblesses quand je
danse.»
Car il ne fallait surtout pas conformer Katerine à un style qui ne soit
pas le sien, lui imposer des figures qui auraient coupé court à son
naturel. «Je l'ai d'abord abandonné à lui- même, avoue sa partenaire. Puis, en dialoguant avec lui, en
lui montrant ses blocages, ceux-ci se sont peu à peu estompés. Philippe a
compris comment aborder la danse et d'un coup s'est libéré. C'est alors que nous
avons travaillé des formes qui lui permettent d'être ce qu'il est.»
Du 24 au 26 juillet. Festival
d'Avignon; 04- 90-14-14-14.
Raphaël de Gubernatis
Le Nouvel Observateur
24/07/08