création 19 au 21 février 1988 au théâtre de la bastille à paris
Je ne vois pas...
Le champ a des yeux, la forêt, des oreilles. Il n'y a rien à voir, à découvrir, à dévoiler, dans une forêt : il s'agit plutôt d'écouter, mais d'écouter avec les yeux.
Un danseur traverse la scène, s'arrête, et commence à déclamer... en silence.
(L'attente des mots devient la promesse trépidante d'un sens. Les sentiments sont alors libres de prendre tout leur temps, de s'emparer du temps.)
La voix d'un acteur vient s'ajouter et, finalement, on peut comprendre. On peut voir. Clairement. La tension est passée. Et avec elle la liberté : les mots n'ajoutent rien. Les mots n'expliquent qu'eux-mêmes. On les sait déjà, on les connaît. Le circuit verbal introduit un nouvel espace. Il efface et dissipe la parenthèse possible. Saisir les mots du regard féconde le geste et dissout la scène. On sort, un instant, de la forêt...
Je ne veux pas voir.
... La femme cachée...
"La forêt est le lieu d'intimité par excellence... Tout lieu sacré commence par le "bois-sacré" : c'est l'archétype de l'intimité féminine qui devient monde."
La forêt est femme. Elle la résume, le contient : plus exactement, elle la cache. Tous les danseurs cherchent la femme, tandis qu'ils découvrent et animent la forêt : on dirait tous des femmes.
"Il y a une fuite délibérée de l'objet évoqué avec insistance, pour mieux le trahir. Pour le laisser caché."
(L'évocation, la recherche, nous deviennent familiers : invités au jeu du "sens caché", nous ne savons pas s'il vaut mieux garder le secret ou chercher à découvrir le stratagème.)
"Alors, comme dans les contes de fées et tant de légendes, un regard vient du fond : l'image énorme et majestueuse de la Femme s'offre au regard. La forêt risque de disparaître, d'être possédée et "apprivoisée", mise en pots.
La femme s'est cassée ?
... dans la forêt.
"Pendant que j'étais de garde sur la colline, je tournai les yeux vers Birman, et voilà que j'ai cru voir la forêt bouger", dit le messager à Macbeth.
Et ce sont encore les acteurs qui l'animent, qui la portent, vivante, sur eux. Non plus mimétisés dans ses feuillages, mais interprétant ses formes et son mouvement. Les danseurs deviennent tour à tour fleurs, buissons, animaux. La danse court en sens inverse par rapport au théâtre, la forêt est le lieu où l'on se perd.
(Une fois que l'on s'est vraiment perdu, l'anxiété se dissipe et une agréable sensation d'appartenance s'installe.)
La forêt est l'apparition successive de cosmogonies microscopiques, la chorégraphie de contes de fées rapides et légers. À chaque fois un obstacle inconnu, une situation mystérieuse, peut se résoudre en jeu. À condition de rester cachés en lui. Complices... de la forêt. bruna filippi
durée 1h15
chorégraphie mathilde monnier
interprètes claude barrichasse, bertrand davy, herman diephuis, germana civera, jean-christophe cochard, laurence levasseur, joël luecht
lumières éric wurtz
scénographie annie tolleter
réalisation bandes son christophe séchet
musiques purcell / b. marini / michaël nyman / bessie smith / christophe séchet
création costumes corinne baudelot
maquillage et perruques natalie kovalski
images valérie urréa / jean-noel burnod
coproduction théâtre contemporain de la danse . de hexe . picador art production
remerciements g.e.s. vierzon avec l'aide technique de la société cabasse